Mai 12 2018

Finlande (10-12 mai 2018)

A la suite de mon déplacement en Norvège pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, j’ai tenu à me rendre à Helsinki pour faire le point sur notre relation bilatérale, la situation de la communauté française (environ 2 000 expatriés, principalement concentrés à Helsinki) et de mieux appréhender les clés de la réussite du modèle éducatif finlandais, en particulier en matière d’utilisation des technologies numériques pour l’apprentissage des langues étrangères – sujet sur lequel je réalise actuellement un rapport pour l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie.

Avec le Premier Conseiller de l’Ambassade, Antoine Gosset, j’ai pu constater que les relations franco-finlandaises demeurent solides, particulièrement en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Nous avons réouvert le poste d’attaché de défense à Helsinki, fermé depuis quelques années et avons ensemble contribué à une prise de conscience au sein de l’Union européenne de la nécessité de renforcer nos outils et notre coopération en matière de sécurité et Défense.

Les relations économiques sont, quant à elles, modestes mais se développent. Les exportations françaises vers la Finlande ont augmenté de 4% en 2016 (2 milliards d’euros), tandis que les importations de produits finlandais croissaient de 3%. Renforcer les liens économiques et commerciaux entre nos deux Etats permettrait à la France d’améliorer ses positions en Scandinavie, une région absolument essentielle.

La coopération culturelle, scientifique et technique est de très bon niveau. La France est aujourd’hui le 5ème partenaire scientifique de la Finlande, avec des coopérations particulièrement intéressantes dans le domaine énergétique, biotechnologique ou encore dans la robotique. Avec plus de 21 000 apprenants dans le système éducatif finlandais (pour environ 563 000 élèves au total), la langue française est la 3ème langue étrangère étudiée dans le pays, après l’anglais et l’allemand. Si l’enseignement bilingue francophone en Union Européenne tend à se développer au lycée, la Finlande fait exception avec des filières bilingues francophones renforcées dès la maternelle et le primaire.

Le rayonnement culturel de notre pays passe notamment par l’école française Jules Verne – que j’avais soutenue avec ma réserve parlementaire et dont j’avais eu la chance d’inaugurer les nouveaux locaux en 2011. Olivier Gandit, Président du comité de gestion de l’école m’a présenté un tableau très satisfaisant du développement de cet établissement, avec le soutien des autorités finlandaises et grâce à la très forte implication des parents dans sa gestion. Son attractivité ne cesse de croître et il faudra probablement trouver de nouveaux locaux d’ici un an ou deux ….

L’autre fer de lance de la francophonie en Finlande est constitué par les filières bilingues au sein du système scolaire finlandais dans trois villes importantes : Helskinki, Tampere et Turku. Titulaires du label FrancEducation, ces établissements sont soutenus à la fois par l’État finlandais, l’État français (6 postes d’ETI jusqu’à l’automne 2017), l’Ambassade de France et l’Institut français de Finlande. En 2017-2018 1 229 élèves suivent un cursus bilingue francophone, (soit 67 de plus qu’en 2016-2017).

Au lycée Franco-finlandais d’Helsinki, initialement créé comme petite école privée et devenu école d’État en 1977 suite à un accord bilatéral franco-finlandais, 860 élèves évoluent dans un environnement biculturel. Guidée par le proviseur Kari Kivinen, ancien responsable des écoles européennes,  j’ai pu y observer les atouts du système éducatif finlandais, mais aussi percevoir l’impact de l’apparent désengagement des autorités françaises. Cet établissement permet à ses élèves d’acquérir un excellent niveau de langue et de culture française tout en suivant le cursus finlandais. Ici, l’apprentissage des langues se fait dès le plus jeune âge à l’aide de moyens ludiques tel que des chants, le sport en français au jardin d’enfants, la diffusion de films non doublés, qui permettent à l’enfant de découvrir un nouvel environnement linguistique sans y associer de charge de travail particulière. Autre aspect particulièrement inspirant du système éducatif finlandais : la pédagogie inclusive, la relation de confiance et de respect caractérisant les relations entre élèves et enseignants et l’importance accordée aux ateliers manuels et artistiques pour favoriser le développement personnel des jeunes, leurs compétences relationnelles, leur autonomie, leur sens des responsabilités et leur prise d’initiatives. Ce magnifique projet est financé à hauteur de 6,5 millions d’euros par la Finlande, avec un engagement financier français très limité – le salaire du proviseur-adjoint et celui de deux des douze professeurs venant de France. Les errements administratifs de notre pays (les enseignants français ne prenant leur fonction qu’après Noël et non dès la rentrée de septembre) et les réductions budgétaires (avec des suppressions d’ETI) pourraient bien mettre en péril cette coopération aux résultats pourtant exemplaires. Exemple concret d’une aberration qui pourrait coûter cher à l’établissement : l’engagement financier actuel de la France ne permet de couvrir que l’année civile en cours et prendra fin au 31 décembre 2018… deux enseignants recrutés en janvier 2018 pourraient ainsi être amenés à abandonner leurs élèves en plein milieu de l’année scolaire 2018/2019 !

Au ministère de l’Éducation finlandais (Opetushallitus), j’ai pu échanger avec Paula Mattila, qui y dirige le département d’enseignement des langues étrangères, puis, à l’Institut français, avec Sari Hopeakoski, spécialiste d’enseignement digital des langues étrangères.

Nous avons évoqué l’enseignement du français en Finlande, mais également l’apprentissage des langues étrangères en France… qui aurait bien besoin d’être modernisé, notamment en recourant de manière plus fréquente et surtout plus pertinente aux outils numériques. Les technologies peuvent d’une part permettre à des élèves d’apprendre en ligne une langue non proposée par leur établissement scolaire et d’autre part fournir un support considérable pour renforcer l’enseignement reçu en classe.

J’ai également eu la chance d’échanger à ce sujet avec Claude Anttila, conseillère consulaire de Finlande et des pays Baltes, investie depuis de nombreuses années pour la promotion de la culture française. Engagée au service de nos compatriotes, son action se porte tout particulièrement sur le renforcement de la francophonie notamment par le biais de l’enseignement numérique des langues. Véritable pionnière dans ce domaine, elle a participé à la création des classes numériques pour l’enseignement du français à des élèves de primaire, de collège et de lycée dépourvus d’enseignant de français. Elle a également créé – avec le soutien de l’AMOPA, l’association des médaillés de l’ordre des Palmes académiques, des sites Internet très professionnels pour encourager l’usage du français et donner des outils utiles aux enseignants.

Enfin, j’ai eu la joie de retrouver l’ancienne Secrétaire d’État Jeannette Bougrab, qui dirige aujourd’hui le service d’action culturelle à l’Ambassade de France en Finlande. L’Institut français de Finlande, fondé en 1968, est également placé sous sa responsabilité. Sous sa houlette, il a pu être rapatrié de l’usine désaffectée où il était jusqu’alors implanté vers le centre-ville d’Helsinki et multiplie les succès, parvenant même à générer des bénéfices.

En quittant ce pays, je me sens à la fois admirative envers la richesse des initiatives et coopérations qui m’ont été présentées et inquiètes de l’apparent manque de soutien – voire désengagement – de la France. Il importe que notre gouvernement tienne ses engagements budgétaires sur l’enseignement français, mais aussi marque sa volonté de renforcer les liens, par exemple par une visite prochaine du Président Macron… la dernière visite en France du Président de la République finlandais, Sauli Niinistö, remontant à 2013.