Article du Huffington Post du 27 juin 2018 :
Service militaire ou service minimum? Promesse de campagne ultra-symbolique d’Emmanuel Macron, le retour du service militaire universel, abandonné sous la présidence de Jacques Chirac, poursuit son chemin de croix avec une étape-clé ce mercredi en conseil des ministres. À l’issue de la réunion hebdomadaire du gouvernement, le Premier ministre Edouard Philippe doit dévoiler les « grandes orientations » de cette initiative chère au président de la République, arrêtées au terme de douze mois de tergiversations.
Ce mardi, le porte-parole de l’exécutif, Benjamin Griveaux, a vendu la mèche: le dispositif final devrait être beaucoup moins ambitieux que ce qu’avait laissé entendre Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle, puis pendant la première année de son mandat. En cause: le coût astronomique d’un rétablissement pur et simple de la conscription, et les innombrables soucis logistiques qui l’accompagnent. Sans parler des fortes réserves que suscite le principe d’un engagement obligatoire chez certaines organisations de jeunesse.
Un mois obligatoire au lieu de trois
Le cadre semble enfin arrêté: « A priori on s’oriente vers, a minima, une période d’un mois autour de l’âge de 16 ans », a expliqué Benjamin Griveaux sur RTL, sans exclure « différentes modalités qui vont être mises en place » avec « des gens qui pourront faire des périodes plus longues, en fonction de leurs envies ». Ce service civique impératif pourra s’effectuer « dans le domaine associatif, dans le domaine militaire, dans le domaine civique, dans le domaine sanitaire », a-t-il énuméré.
On est loin des ambitions du candidat Macron, qui avait défendu pendant sa campagne l’idée de « recréer un rendez-vous pour toute la Nation » pour « toute une classe d’âge » entre 18 et 21 ans dans le domaine de la défense. Et ce pendant un mois. Une idée qui s’était rapidement heurtée aux réticences des armées françaises, déjà épuisées par l’effort qu’elles fournissent à la lutte contre le terrorisme sur le territoire national.
En février dernier, devant la presse, le chef de l’État prenait acte de ces craintes. Oublié le service militaire. Place au « service national universel », Emmanuel Macron se prononçant cette fois-ci en faveur d’un service « obligatoire » d’une durée totale de « trois à six mois », mais recentré sur un engagement plus civique. Une manière de ne pas faire peser l’essentiel de la réforme sur les épaules du seul ministère de la Défense.
Problème: cette durée revue à la hausse laissait entrevoir des coûts financiers et logistiques très importants pour les collectivités et les administrations, ne serait-ce que pour héberger et nourrir la classe d’âge concernée. « Si le service national a été suspendu, il y a plus de vingt ans, c’était en premier lieu à cause de son coût, déjà jugé insoutenable », jugeait alors la sénatrice la sénatrice LR Joëlle Garriaud-Maylam, pointant « d’importants risques juridiques » et « une source majeure de désorganisation de multiples services, ne serait-ce que pour le simple encadrement des recrues ».
Des craintes confirmées par plusieurs rapports qui ont tous proposé des alternatives revues à la baisse.
Quel degré d’opposition interne et externe?
Pour limiter les dégâts, l’Élysée s’est finalement inspiré des conclusions du groupe de travail mandaté par ses soins pour plancher sur le SNU. Parmi les principales suggestions du rapport rendu fin avril figurait un service d’un mois obligatoire entre 15 et 18 ans, dont deux semaines d’internat pendant les vacances scolaires. Le budget annuel de cette phase est estimé à 1,6 milliard d’euros « en rythme de croisière », hors investissements en infrastructure (1,7 milliard sur sept ans). Car il va falloir rénover et entretenir les casernes et bâtiments mis à disposition par les collectivités pour accueillir les quelques 700.000 jeunes qui seront accueillis chaque année.
Mais même ce dispositif a minima ne règle pas toutes les questions que soulève le service national universel. Outre les réticences internes exprimées par certaines administrations, le scénario d’une opposition généralisée de la jeunesse n’est pas exclu. Le groupe de travail, présidé par le général Daniel Ménaouine, recommandait d’organiser au préalable une consultation de la jeunesse, afin de déminer les risques d’opposition à ce projet « s’il était mal compris ou mal conçu ». Un conseil de prudence que le gouvernement a décidé de suivre après la parution en juin d’une tribune cosignée par les principales organisations lycéennes, étudiantes et de jeunesse contre le SNU.
« La jeunesse ne peut plus être tenue à l’écart des projets qui la concernent par des politiques paternalistes, soupçonneuses et systématiquement pensées dans la défiance », mettait en garde ce collectif.
Conséquence: à partir de l’automne s’ouvrira une consultation, à la fois numérique et dans les territoires, qui s’adressera aux parents d’élèves, aux syndicats de lycéens et d’enseignants et aux collectivités territoriales. Elle portera sur « la durée, le contenu et les conditions concrètes de mise en œuvre » du SNU, explique-t-on de source gouvernementale.
Dernier hic: qu’adviendra-t-il s’il émerge de cette consultation que ce nouveau service obligatoire ne fait pas consensus? Comme l’indique une source proche du dossier citée par l’AFP, « le projet de SNU est fortement conditionné par les résultats de la consultation nationale. Si elle fait émerger une opposition fondamentale, notamment sur la question du caractère obligatoire du dispositif, on n’a pas de plan B ».