Juin 14 2018

Pologne (25 – 28 mai 2018)

C’est à Varsovie que se tenait cette année la session annuelle de printemps de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.  Trois jours de réunions intensives au parlement polonais afin notamment de faire le point sur les différents dossiers géostratégiques en préparation du prochain sommet OTAN qui se tiendra à Bruxelles en juillet prochain.

Présidente d’une des cinq commissions de l’Assemblée, celle de la commission sur la dimension civile de la sécurité, j’ai eu le privilège d’animer des débats passionnants et fructueux avec les parlementaires d’une trentaine de pays sur les différents thèmes étudiés par notre commission comme la question des frontières et migrations méditerranéennes avec notre compatriote Fabrice Leggeri, directeur exécutif de Frontex et la coopération avec la PESC, la sécurisation des processus électoraux avec l’ancienne ministre des affaires étrangères d’Islande Ingibjörg Sólrún Gísladóttir, aujourd’hui directrice droits de l’homme et démocratie à l’OSCE et avec les experts de l’OTAN. Nous avons également étudié les pré-rapports de nos collègues parlementaires de la commission sur les enjeux de sécurité et de gouvernance dans le Grand Nord et en Méditerranée (sénatrice canadienne Jane Cordy), la démocratie et les tensions autour des droits de l’homme dans les Balkans (députée allemande Ulla Schmidt), ou encore les menaces hybrides en provenance de Russie (Lord Jopling, Royaume-Uni).

 

Cette session était aussi l’occasion de mieux appréhender les enjeux de défense et sécurité pour la Pologne, en cette année 2018 de centième anniversaire de proclamation de son indépendance. C’est en effet le 11 novembre 1918 que ce pays recouvra sa souveraineté et proclama la Deuxième République, après plusieurs décennies sous le joug des empires autrichien, allemand et russe. L’unification du territoire et l’établissement d’une nouvelle économie moderne ne se sont pas faits sans difficulté, puisque le pays était alors engagé au combat, subissant de terribles pertes tout au long de la Première Guerre mondiale. Malgré les conflits internes et externes, la Pologne finit par adopter au début des années vingt un régime démocratique parlementaire – d’ailleurs inspiré du système républicain français de l’époque – alors même qu’une vraie démocratie parlementaire y avait été créée il y a 550 ans avec une assemblée bicamérale, le Sejm, composé d’une Diète (Chambre des députés ou chambre basse) et d’un Sénat !

Aujourd’hui la Pologne est le seul pays de l’Alliance Euro-Atlantique avec le Royaume-uni à respecter parfaitement la promesse faite de consacrer 2% de son PIB à l’effort de défense et à même vouloir le porter à 2,5% d’ici 2030, comme nous l’ont confirmé lundi le Président de la République polonaise, Andrzej Duda, le premier ministre Mateusz Moriaweski et les présidents des deux chambres, Marek Kuchcinski (AN) et Stanislaw Karcewski (Senat) en présence du Secretaire general de l’OTAN Jens Stoltenberg.

Membre des Nations-Unies depuis 1945, la Pologne a été élue le 2 juin 2017 comme membre non-permanent au Conseil de sécurité. Sa position stratégique face à la Russie en fait un membre essentiel de la défense européenne. Le sommet de l’OTAN de Varsovie , en juillet 2016, a permis d’adopter la mise en place d’une nouvelle présence avancée rehaussée (« enhanced forward presence »,  eFP). L’eFP comprend la mise en place de quatre bataillons dans les États baltes et en Pologne (un par pays).

C’est un plaisir de constater en Pologne le bon niveau de coopération militaire, à l’image de l’exercice Anaconda de juillet dernier, plus grand exercice militaire depuis 1989  avec près de 31 000 soldats de 24 pays. 

La Pologne est également depuis octobre le siège d’un centre d’excellence de l’OTAN en matière de contre-espionnage. Cette structure, voulue par le Général Paloméros, ancien chef d’Etat-major de l’Armée de l’Air et ancien Commandant Allié Transformation de l’OTAN,  co-fondateur et co-président avec moi de  l’Association Internationale des Réservistes Citoyens, est un superbe centre de réflexion pour développer et promouvoir la mise en œuvre de nouveaux concepts de contre-espionnage, si importants aujourd’hui !

 

 

En parallèle à cette session très intense, j’ai pu rencontrer nos trois élus consulaires, Pascale Seux, Michel Marbot et Jean Rossi que je remercie d’avoir pu libérer leur agenda un dimanche matin, seul créneau disponible pour moi. Nos discussions sur les différents dossiers qui intéressent notre communauté française ont été très enrichissantes pour moi, et j’ai eu le privilège à la fois d’assister ensuite à la belle « messe des Français » célébrée chaque dimanche pour nos compatriotes dans la crypte de l’église St André Bobola et de faire un « pèlerinage » à la statue du Général de Gaulle, érigée en plein centre de Varsovie, et magnifique témoignage de reconnaissance du peuple polonais à celui qui, jeune capitaine tout juste sorti de captivité, fut envoyé à Varsovie en 1920 dans le cadre d’une mission militaire chargée de conseiller l’état-major de l’armée polonaise pour l’aider à sauvegarder l’indépendance proclamée de novembre 1918 menacée par les bolcheviks. Le capitaine de Gaulle joua d’ailleurs un rôle éminent dans le succès de cette Bataille de Varsovie d’août 1920 où les hommes du maréchal Pilsudski encerclèrent et décimèrent les troupes bolcheviques, pourtant très supérieures en nombre, stationnées à 23 kms à peine de Varsovie et qui s’apprêtaient, sur les ordres de Lénine, à marcher ensuite sur l’Europe occidentale et Paris. Une bataille parfois appelée “Miracle de la Vistule “ et que le président américain Woodrow Wilson jugea être “la septième bataille la plus importante de l’Histoire”.

De Gaulle restera toujours attaché à cette ville où il retournera en 1967 – premier Chef d’État occidental à se rendre dans la Pologne communiste- pour y parler d’amitié franco-polonaise et critiquer, en termes à peine voilés, la division de l’Europe en deux blocs.

 

 

Nos compatriotes sont aujourd’hui 6438 à être inscrits au registre consulaire, et l’on estime leur nombre total à 10 000 personnes ! Le nombre croissant d’expatriés – principalement basés  à Varsovie – pousse d’ailleurs le réseau de l’AEFE à envisager l’expansion du Lycée français René Goscinny. Une possibilité d’école européenne a également été envisagée, Frontex dont le siège est à Varsovie ayant prévu d’accroître son personnel à 1600 personnes d’ici 2 ans.  La présence française en Pologne devrait encore s’accroître au regard de son dynamisme économique exceptionnel avec un taux de chômage au plus bas et plus de 900 de nos entreprises y sont déjà implantées dont par exemple Saint-Gobain, EDF, France Télécom…  A noter que la Pologne demeure notre premier partenaire commercial en Europe centrale et orientale avec 17 milliards d’euros d’échanges en 2016. Nous bénéficions également d’une coopération bilatérale intense dans les domaines culturels et scientifiques grâce à de nombreux projets en partenariat avec les universités et centres de recherche polonais.

 

Mais tout n’est pas au beau fixe en Pologne et certaines contestations sociales s’y expriment très vivement. J’ai eu ainsi l’occasion de dire à la télévision polonaise mon soutien aux familles de handicapés qui avaient occupé le parlement pour protester contre la décision gouvernementale de supprimer les allocations à leurs enfants lourdement handicapés dès qu’ils arrivaient à l’âge de 18 ans. Autant je peux comprendre et approuver le souci d’une gestion saine et d’une limitation des dépenses, autant j’estime que les plus fragiles de nos sociétés et notamment les handicapés, doivent absolument être véritablement soutenus….