Extrait du compte-rendu intégral du 3 décembre :
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la disproportion entre l’ampleur des efforts réclamés au Quai d’Orsay et son poids de moins de 2 % dans le budget de l’État est flagrante. Pour l’année prochaine, il lui est demandé de contribuer à 8 % de la baisse totale des emplois de l’État, alors qu’il ne représente que 0,7 % de l’ensemble de ses emplois ! Alors qu’il a déjà perdu 12 % de ses effectifs au cours de la dernière décennie, il reçoit cette fois l’injonction de conduire d’ici à 2022 une réduction de 10 % de la masse salariale de l’ensemble des réseaux français à l’étranger.
Bien sûr, les Français de l’étranger ont un pouvoir de blocage limité, très inférieur à celui des gilets jaunes. Bien sûr, la saignée que l’on fait subir à nos ambassades et à nos réseaux culturels et économiques à l’étranger ne laisse que peu de traces visibles sur le sol français dans l’immédiat. Mais c’est là faire preuve d’une bien courte vue de la part du Gouvernement. Cynisme de Bercy ou bien réelle absence de vision à long terme ?
Comment ne pas être exaspéré par le décalage entre les ambitions affichées et des moyens toujours plus restreints ? Oui nous devons, dans tous les domaines, apprendre à faire mieux avec moins ! Mais malgré l’immense qualité et le dévouement hors normes du personnel consulaire et diplomatique, auquel je tiens à rendre hommage, il faut cependant une baisse budgétaire minimale incompressible. Une réduction de 31 ETP pour le personnel consulaire ne permet pas de faire de vrais miracles.
Ce budget pose aussi un problème de sincérité. Plusieurs des évolutions affichées s’apparentent à des tours de passe- passe. C’est notamment vrai pour notre patrimoine immobilier à l’étranger. Notre histoire nous a légué de véritables joyaux qui constituent une véritable vitrine de la France à l’étranger : si une gestion innovante est nécessaire pour mieux en optimiser l’usage, gardons-nous de les brader, surtout dans des conditions de transparence douteuses.
Je note aussi que 30 millions d’euros non inscrits au budget seront consacrés en 2019 et en 2020 à des investissements de sécurité dans le réseau sous forme d’avances, avances que le ministère devra rendre entre 2021 et 2025 par des cessions de biens immobiliers. Je soutiens donc la proposition, qui n’est pas si baroque que cela, de notre collègue Robert del Picchia de les vendre à des institutions françaises, comme la Caisse des dépôts et consignations.
De même, la suppression de la réserve parlementaire s’est traduite par une perte nette de budget pour nombre de structures françaises à l’étranger. Non seulement le dispositif STAFE, censé la remplacer, est bien moins doté d’un tiers, mais il décourage de nombreuses petites associations, incapables de trouver elles-mêmes la même somme en autofinancement. Plus inquiétant encore, nous assistons à des effets de substitution où des budgets dépendant autrefois de l’action extérieure de l’État passent désormais sur la ligne STAFE. Je l’ai noté à Londres justement.
Le nombre de Français à l’étranger ne cesse d’augmenter, et les moyens ne suivent pas. Soyons bien conscients qu’une stagnation des budgets équivaut, sur le terrain, à une dégradation des services publics.
Le budget des bourses scolaires, par exemple, va continuer de baisser : il sera cette année amputé de 5 millions d’euros. Cela fait des années que nous demandons une étude sérieuse sur l’effet conjugué de l’augmentation des frais de scolarité et de la réforme du système de bourses. Malgré les dénégations des gouvernements Hollande et Macron, il est clair que les classes moyennes et les familles à faible revenu sont en train d’être écartées de nos écoles.
L’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger subira une diminution de 3,7 % de ses crédits et une baisse de 166 équivalents temps plein. Ces nouvelles contraintes sont imposées alors même que les effectifs d’élèves ne cessent de croître, occasionnant des dépenses en hausse. Emmanuel Macron s’est même engagé à doubler le nombre d’élèves scolarisés dans nos écoles françaises à l’étranger. Cherchez l’erreur ! Ce sont évidemment les frais de scolarité qui vont flamber.
Alors que le Président de la République a multiplié les annonces en faveur de la francophonie, ce dont nous lui sommes reconnaissants, les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » baisseront de 2,6 %, après une année 2018 stable et deux années de recul. La faible augmentation des crédits aux instituts français et alliances françaises n’est pas à la hauteur des enjeux.
Au-delà des questions budgétaires, les modalités du rapprochement de ces deux réseaux demeurent floues et laissent craindre des fermetures de centres culturels, de vastes zones, voire des pays entiers, risquant de se retrouver sans foyer de diffusion francophone.
Ce budget pour 2019 donne l’impression que le Quai d’Orsay, déjà affecté par des années de rabot budgétaire, est maintenant à l’os et en est réduit à des expédients et à des économies « de bouts de chandelles ». Je ne reviendrai pas ici sur la menace de suppression des journées défense et citoyenneté à l’étranger, pourtant peu coûteuses, puisque j’en ai parlé dans le débat relatif au budget de la défense, et pour le maintien desquelles j’avais déposé des amendements. Nous en reparlerons ultérieurement, d’autant que je sais, monsieur le ministre, que le ministre de la défense doit également évoquer ce point avec vous. Mais il est clair qu’en supprimant les JDC nous refusons la diffusion de nos valeurs parmi nos jeunes compatriotes et binationaux à l’étranger. À un moment où cela est indispensable, nous nous privons de nos meilleurs ambassadeurs de demain. Ce serait une faute aussi morale que stratégique !
La France a toujours eu une place à part dans les relations internationales. Dans ce village global où les rivalités font rage, nos concurrents ont, eux, bien compris que le progrès et le développement économique passaient obligatoirement par l’international. Ils se donnent, eux, les moyens de leur réussite. Dans quelques années, nous risquons de regretter notre aveuglement si nous ne prenons pas les mesures adéquates.