Jan 12 2019

Brexit: la citoyenneté européenne et les droits de nos concitoyens doivent être défendus

Lors des débats sur le Brexit et avec l’hypothèse d’un « No Deal » de plus en plus probable, j’ai plaidé pour un comité bilatéral de suivi spécifique sur les droits de nos ressortissants.

Je vous copie ci-dessous le texte de ma tribune, publiée le 11 janvier 2019 sur l’Opinion.


Alors que le risque d’un « no deal » est plus prégnant que jamais et que le gouvernement britannique affirme vouloir opter pour un dispositif post-Brexit d’immigration choisie, nous devons nous recentrer sur les fondamentaux de l’Europe, et en particulier la défense des libertés et du principe de citoyenneté européenne introduit par le Traité dit de Maastricht.

En un quart de siècle, de nombreux projets de vie et échanges économiques se sont construits sur la confiance en la solidité de cette citoyenneté. Je me souviens ainsi de notre joie lorsque, alors élue des Français du Royaume-Uni et d’Irlande au Conseil supérieur des Français de l’étranger, j’avais organisé avec le Parlement européen, les présidents des groupes parlementaires britanniques et les responsables d’associations de ressortissants européens, une conférence de presse à Londres afin de présenter les enjeux du Traité et de cette citoyenneté européenne entraînant de nouveaux droits civiques et politiques. Des droits que nous pensions acquis à jamais.

Sans porter atteinte à la décision souveraine du peuple britannique, nous ne pouvons attendre passivement que les responsables politiques britanniques résolvent leurs divergences. Des mesures doivent être prévues pour protéger les droits de nos concitoyens en cas de non-accord. D’où l’importance des travaux de nos commissions spéciales de l’Assemblée nationale et du Sénat sur le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnances des mesures d’urgence en cas de «no deal ».

Incertitude

Nous ne pouvons laisser dans l’incertitude nos quelque 300 000 ressortissants qui vivent et travaillent au Royaume-Uni. Il nous faut aussi sécuriser le statut des Britanniques installés en France. Beaucoup d’entre eux, convaincus que la liberté européenne de circulation et d’établissement était inaliénable, y ont investi, se sont beaucoup impliqués dans des secteurs d’activité comme l’enseignement ou la santé et participent à la restauration de notre patrimoine et à la revitalisation de nos villages. On compterait même 900 conseillers municipaux britanniques

L’accord de retrait, s’il est ratifié par le Parlement européen et le Parlement britannique, permettra aux citoyens européens et leur famille résidant au Royaume-Uni à la date du retrait d’y rester. Les mêmes garanties seront accordées aux Britanniques installés dans l’Union européenne. Il sera alors essentiel de veiller à la bonne application de ces dispositions mais, plus encore, en cas de « no deal » avec des droits à négocier Etat par Etat sur une base de réciprocité. La France s’honorerait de prendre l’initiative.

Au-delà de la question de la régularité du séjour, déjà partiellement clarifiée par un accord euro-britannique de décembre 2017, celle des droits sociaux s’avère particulièrement complexe, qu’il s’agisse de la reconnaissance des périodes d’activités exercées Outre-Manche pour le calcul des droits au chômage ou à la retraite ou de celle des diplômes et qualifications professionnelles. L’Europe avait construit un cadre stable et lisible que, par égard envers ces citoyens qui y ont cru, nous ne pouvons laisser voler en éclats.

Si l’habilitation donnée au gouvernement pour légiférer par ordonnance sur ces sujets constitue un premier pas nécessaire, nous n’avons obtenu que peu de précisions sur le détail des mesures envisagées et devrons rester vigilants.

Cette attention doit s’exercer non seulement au moment de la mise en place des mesures mais aussi à travers un contrôle à moyen et long terme de leur mise en œuvre. D’où l’importance d’un comité de suivi. L’accord de retrait prévoit la mise en place d’un comité mixte composé d’un membre de la Commission européenne et d’un ministre britannique, ainsi que de plusieurs comités thématiques. Ces instances pourraient prendre des décisions contraignantes dans les domaines régis par l’accord et porter tout conflit d’interprétation devant une commission d’arbitrage ou la Cour de Justice de l’Union européenne.

Otages 

Un tel dispositif est essentiel et il faudra qu’un mécanisme similaire puisse être mis en place entre la France et le Royaume-Uni en cas de «no deal ». Je milite pour ma part en faveur d’un comité bilatéral de suivi spécifique sur les droits de nos ressortissants, qui pourrait aussi avoir un rôle de médiation et comprendrait, à côté des représentants gouvernementaux de nos deux pays, des parlementaires et des représentants de la société civile. Ce comité pourrait éventuellement s’adosser au Conseil franco-britannique, dont la longue expérience dans la mise en œuvre du dialogue bilatéral à haut niveau est un gage de sagesse.

Alors que la citoyenneté européenne est progressivement devenue une réalité tangible tant pour les étudiants que pour un nombre croissant de travailleurs, nous avons la responsabilité de préserver ses acquis des turbulences populistes des deux côtés de la Manche. Les citoyens européens et britanniques qui ont fait ces dernières années des choix de vie fondés sur la solidité des institutions européennes ne doivent pas être les otages du résultat d’un référendum… auquel beaucoup d’entre eux n’ont même pas pu prendre part !