Quelle belle surprise que d’apprendre aujourd’hui que la Cour pénale internationale, la CPI, a décidé de lancer un mandat d’arrêt international contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova, commissaire présidentielle aux droits de l’enfant en Russie, pour la déportation illégale d’enfants ukrainiens en Russie.
Ce dossier, sur lequel je me suis beaucoup impliquée dès les débuts de la guerre, notamment lors de mes déplacements en Ukraine ou encore lors de mes rencontres à Kiev ou Paris avec la Prix Nobel de la Paix Oleksandra Matviichuk, était particulièrement prégnant mais peu documenté. Les chiffres avancés oscillaient d’ailleurs entre 100 000 (chiffre énoncé par le président Zelensky – parce qu’incluant des enfants ayant quitté le territoire sans forcément avoir été déportés en Russie ) et 16 200 (l’estimation officielle ukrainienne, confirmée par le Président du parlement ukrainien Ruslan Stefanchuk lorsque je l’avais interrogé à ce sujet lors de sa venue à Paris ).
Ce qui est certain est l’arrachement dramatique subi par ces enfants, privés de leurs racines et de leur culture, obligés d’apprendre une langue qui n’était pas la leur et de subir un endoctrinement inadmissible. Je suis heureuse et soulagée que la CPI qui enquêtait initialement sur les massacres de Butcha, ait pu réunir suffisamment d’informations probantes pour lancer ces mandats d’arrêt contre Poutine et sa complice/exécutante. Ces déportations d’enfants sont, en droit international, des actes constitutifs de génocide. Il est d’ailleurs intéressant de constater que ces déportations d’enfants ukrainiens ne sont pas nouvelles et avaient déjà eu lieu dans les années 1932-1933, parallèlement à la grande famine organisée par Staline qui fit plusieurs millions de morts et que l’on appelle Holodomor.
C’est d’ailleurs pour faire reconnaitre l’Holodomor comme génocide, et essayer de prévenir ainsi d’autres déportations d’enfants ukrainiens, que j’avais déposé une proposition de résolution en fin d’année dernière. Résolution saluée dans son discours au Sénat par le Président du Parlement ukrainien Ruslan Stefanchuk le 1er février dernier (https://holodomormuseum.org.ua/…/the-head-of-the…/) car il est très important aux yeux des Ukrainiens que cette reconnaissance du génocide soit actée par les parlements des pays alliés, ce qui a déjà été fait par nombre d’entre eux comme par exemple le Bundestag en fin d’année dernière, ou plus récemment encore la Belgique.
La reconnaissance de ce génocide lors de l’Holodomor est en effet un signal fort envoyé à Moscou, comme le dit le juge de la Cour européenne des droits de l’homme, Vladimiro Zagrebelsky, dans La Stampa :
« Le terme de génocide, soit le plus sévère et le plus lourd de sens qui soit pour qualifier un crime international, est un message politique qui établit un parallèle avec l’offensive menée actuellement par la Russie. Elle se caractérise notamment par la destruction des infrastructures civiles destinées à la production électrique et la distribution d’eau, alors que le froid s’abat sur l’Ukraine. Au lieu de faire mourir de faim, on fait désormais mourir de froid. »
Les lenteurs et les bizarreries des inscriptions de propositions de loi ou de résolution au Sénat font que malgré ce soutien appuyé, ma proposition de Résolution n’a toujours pas été inscrite à l’ordre du jour. Par contre j’ai appris qu’une collègue de l’Assemblée nationale qui avait elle aussi déposé une PPR sur l’Holodomor – mais en niant totalement tout génocide – a soudainement changé d’avis , retiré sa PPR pour en déposer une autre version, parlant cette fois de génocide (!) qui devrait être examinée par l’AN à la fin du mois… Je m’en réjouis.
Je me réjouis également qu’une Proposition de Résolution européenne ayant été déposée au Sénat sur les déportations d’enfants ukrainiens par un collègue et ami, j’en ai été nommée rapporteur… À suivre donc..