L’article 144 du code civil (inséré par la loi du 17 mars 1803 promulguée le 27 mars 1803) fixe à dix-huit ans révolus l’âge minimal du mariage pour l’homme et à quinze ans révolus pour la femme. Or cette disposition du code civil napoléonien, inchangée depuis 1804, porte atteinte au principe républicain d’égalité et apparaît en complète contradiction avec les récentes lois relatives à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes dans tous les domaines. J’ai présenté aujourd’hui une proposition de loi harmonisant l’âge minimal du mariage pour l’homme et pour la femme.
Le statut que les femmes ont acquis aujourd’hui ne correspond plus à une telle disparité d’âge pour le mariage. L’âge de quinze ans pour les filles peut même constituer un frein dans leur capacité à poursuivre des études au même titre que les garçons. Il convient de rappeler à cet égard que la scolarité est obligatoire jusqu’à l’âge de seize ans pour les deux sexes. Et que par ailleurs les jeunes filles peuvent toujours se marier par dérogation en dessous de l’âge minimum requis.
La possibilité de se marier plusieurs années avant la majorité civile constitue par ailleurs un danger pour un nombre croissant de jeunes filles mineures qui se voient contraintes par leur famille à des mariages forcés, souvent lors d’un déplacement à l’étranger.
Le positionnement à dix-huit ans de l’âge du mariage pour les filles répond de surcroît à une préoccupation des Nations Unies et correspond à l’esprit de la Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France le 2 juillet 1990. Celle-ci demande notamment aux États-parties de « prendre toutes les mesures appropriées pour protéger les enfants contre toutes formes de discrimination ou de sanction… » (article 2).
Une recommandation à la France pour qu’elle change sa législation en ce domaine a été formulée dès avril 1994 par le comité de suivi de la Convention internationale des droits de l’enfant (CRC/C/3/Add.20 ; § 22), et réitérée lors de la dernière réunion du comité de suivi à Genève en juin 2004 (CRC/C/15/Add. 240 ; § 4).
Dans un souci de protection des jeunes femmes, l’âge minimal du mariage a déjà été rehaussé dans plusieurs pays dont le Maroc qui, dans sa réforme de février 2004, a fait passer cet âge de quinze à dix-huit ans pour les jeunes filles.
Enfin, au sein de l’Union européenne, les États membres ont pour la plupart harmonisé l’âge minimal du mariage, le fixant à dix-huit ans. C’est le cas par exemple de l’Allemagne, l’Angleterre, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal. La France, en maintenant cette distinction pour les femmes, se soustrait au principe d’égalité alors même que le Président de la République a fait de ce principe une priorité pour notre pays.
L’objet de la présente proposition de loi est donc de modifier l’article 144 du code civil en fixant à dix-huit ans l’âge minimal du mariage pour la femme comme pour l’homme. L’article 145, stipulant qu’« il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves », reste inchangé.