Jan 22 2013

Désarmement humanitaire : plus d’actualité que jamais

Hasard du calendrier, c’est le jour même où le Sénat était appelé à débattre de l’engagement militaire français au Mali qu’avait lieu un colloque sur le désarmement humanitaire, à l’initiative de la Campagne internationale pour interdire les mines antipersonnel et de la Coalition contre les sous-munitions, en partenariat avec Human Rights Watch et Handicap International. Ouvert par Jody Williams, prix Nobel de la paix en 1997, pour son travail sur la Campagne internationale pour l’interdiction des mines antipersonnel terrestres, le colloque a été clôturé par une déclaration conjointe des ONG.

Il peut sembler paradoxal de mettre l’accent sur le désarmement, à l’heure où la France déploie ses forces au Mali. L’entrée en conflit est pourtant le moment essentiel où la question du respect du droit international humanitaire doit être posée. Classées « armes conventionnelles », les armes à l’uranium appauvri,  suspectées de provoquer une contamination nucléaire chez les populations et les militaires,  sont utilisées depuis la Guerre d’Irak de 1991 par de nombreux pays, dont la France – seul pays européen à en fabriquer, malgré une résolution du Parlement européen de 2008 recommandant un moratoire. J’ai d’ailleurs déposé une question écrite demandant un état des lieux de la position française sur cette question et appelant le Ministre de la Défense à ne pas recourir à ce type d’armement au Mali.

Intervenant dans le débat relatif au rôle de la France – et notamment de ses parlementaires – dans les politiques de désarmement, j’ai pu notamment évoquer mon engagement en faveur de la signature puis de la ratification par la France des accords d’Oslo. En tant que rapporteur de la commission des affaires étrangères et de la défense, j’avais alors rencontré d’importantes résistances de la part de mes collègues.

Au-delà du préjugé tenace selon lequel le désarmement humanitaire nuirait à la puissance militaire d’un Etat, la réticence de nombre de parlementaires tient à une certaine méconnaissance des enjeux. Beaucoup imaginent que les armes non-conventionnelles (mines antipersonnel, armes à sous-munitions, armes chimiques,…) concernent soit des conflits anciens soit une minorité d’Etats voyous et lointains. Ils estiment alors que la France n’a plus vraiment de rôle à jouer, dès lors que des conventions internationales ont été signées. Pourtant d’importants efforts diplomatiques sont encore nécessaires pour parvenir à une véritable universalisation de ses accords, et des financements importants sont indispensables pour parvenir à l’élimination des stocks, la décontamination des terrains et une véritable assistance aux victimes.

Par ailleurs, la guerre civile en Syrie illustre la complexité des enjeux liés à la circulation des armes chimiques : utilisées contre la population au mépris du droit international humanitaire, elles sont potentiellement, de par leur diffusion via des canaux terroristes, un facteur de déstabilisation dans toute la région.

La France pourrait avoir un important rôle à jouer en ce domaine, en s’attachant à instaurer une vraie transparence, à l’instar de ce qui se pratique en Grande-Bretagne, où une commission sur les exportations d’armes a été créée au sein du Parlement… et même si le Royaume-Uni est loin d’être exemplaire sur ces questions ! Le rapport au Parlement sur les exportations d’armes gagnerait également à être plus détaillé, en apportant des informations précises et récentes sur les quantités et les types de matériels livrés ou refusés aux pays tiers. L’opacité dans de nombreux pays  est un facteur de corruption qui facilite l’accès aux armes à des utilisateurs peu recommandables…

Enfin, la France devrait prendre position sur des thématiques émergentes, telles que celle des armes totalement autonomes ou « robots tueurs ». En novembre 2012, Human Rights Watch, International Human Rights Clinic et les Prix Nobel de la paix de la Nobel Women’s Initiative, ont à la fois réclamé l’élaboration d’un traité international qui interdirait formellement la mise au point, la production et l’utilisation d’armes complètement autonomes et appelé individuellement les États à édicter des lois et à adopter des politiques visant à empêcher la mise au point, la production et l’utilisation de telles armes à l’échelon national.

La  France ne semblant pas avoir encore officiellement pris position, j’ai également demandé au Ministre de la Défense une clarification quant à la doctrine française en la matière.

→ Voir ma question écrite sur les armes à l’uranium appauvri

→ En savoir plus sur mon engagement en faveur des accords d’Oslo sur l’élimination des armes à sous-munitions (rapport sur le projet de loi de ratification, question écrite sur le retard dans la publication des décrets d’application de la loi, question écrite sur le risque de non-conformité du protocole VI de la convention sur certaines armes classiques avec la Convention d’Oslo)