L’examen par le Sénat du projet de résolution visant à alléger les sanctions imposées à la Russie m’a posé un vrai cas de conscience.
Par principe, j’ai toujours été opposée aux sanctions économiques, dont j’estime les effets diplomatiques limités. Elles jouent davantage sur la palette émotionnelle et symbolique que politique et n’ont jamais fait preuve d’une grande efficacité diplomatique. Dans le cas russe, deux ans après l’imposition des sanctions, leur efficacité pour restaurer la pleine souveraineté du gouvernement ukrainien sur son territoire semble pour le moins limitée. Les sanctions économiques ont également de graves effets collatéraux. En de multiples pays les sanctions économiques et autres embargos ont au contraire donné lieu à une aggravation de la corruption. Sans parler évidemment des effets pervers pour le commerce extérieur – et en première ligne nos exportateurs (en particulier, dans le cas de la Russie, nos agriculteurs) et nos entrepreneurs établis dans le pays visé.
Par contre j’ai toujours pensé que des sanctions personnelles ciblées étaient beaucoup plus utiles car touchant les véritables responsables et/ou les oligarques corrompus. C’est d’ailleurs une approche défendue par le GOPAC, l’Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption.
Le texte examiné au Sénat faisait écho -en tentant de corriger certains de ses excès- à une Résolution adoptée sur le même sujet par l’Assemblée nationale. Elle ne demandait pas une levée immédiate des sanctions (n’oublions pas qu’elles sont décidées par les 28 États membres de l’UE), sauf pour les parlementaires russes, mais leur levée progressive en fonction des résultats des accords de Minsk. Or j’estime que les parlementaires ne doivent pas être au-dessus des lois et ne voyais pas pourquoi -sous prétexte de « dialogue » ils ne devraient pas répondre de leurs actes.
Si j’approuve la Résolution lorsqu’elle appelle à un rétablissement de relations confiantes et solides avec la Russie et à un allègement progressif du régime des sanctions européennes économiques, je suis plus dubitative quant à la demande de levée des sanctions individuelles visant les parlementaires russes.
J’ai donc opté pour l’abstention – une position jamais facile à défendre, mais qui semblait d’autant plus adaptée que la résolution n’avait de toute façon aucune valeur contraignante, ayant surtout eu pour mérite de permettre un débat sur la politique russe de la France (ou de l’absence de politique…) et de la politique de voisinage de l’Union européenne.
S’il est essentiel de faire preuve de fermeté pour garantir le respect de la souveraineté des États situé entre la Russie et le cœur de l’Union européenne (et ne pas laisser sombrer dans l’oubli les 9000 morts ukrainiens causés par ce conflit), il faut aussi renouer une relation plus constructive avec la Russie, non seulement pour de « basses » raisons commerciales mais également par réalisme géopolitique, afin de sortir par le haut du bourbier moyen-oriental.
Enfin, n’oublions pas que la non-application des accords de Minsk est autant due à l’attitude de la Russie qu’à la faiblesse du gouvernement ukrainien. Pour que la souveraineté de l’Ukraine ne soit plus menacée, la première urgence est d’aider au renforcement des capacités des élites ukrainiennes. La coopération parlementaire a, ici, toute sa place.