Les Français de l’étranger ont jusqu’au 1er mars pour indiquer au Consulat leur souhait de recevoir le matériel de vote pour voter par correspondance postale pour les élections législatives de 2017. Une option méconnue sur laquelle le Quai d’Orsay ne communique pas, comme je l’ai déploré dans une question écrite.
Dans la mesure où cette possibilité de participation au scrutin existe (alors qu’elle a été supprimée pour les élections consulaires, malgré mon amendement), la moindre des choses serait d’en informer les citoyens… Cette réticence, déjà constatée en 2012, me choque. Tout se passe comme si la promotion du vote par Internet devait se faire au détriment du vote par correspondance postale, alors même que de très nombreux électeurs ne peuvent ou ne veulent pas recourir à ce mode de vote controversé et alors même que le vote électronique s’avère beaucoup plus onéreux que le vote par correspondance postale – un argument pas anodin à l’heure où la Cour des Compte critique le coût des élections à l’étranger.
Pour voter à l’étranger, il faut souvent une bonne dose de motivation : bureau de vote à plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres, files d’attente interminables dans des bureaux de vote sous-dimensionnés par rapport à la taille de la communauté française… De plus, comme en 2012, nous serons appelés aux urnes 4 fois en l’espace de quelques semaines : cette multiplication des déplacements risque de décourager les citoyens ayant le plus de difficulté à accéder aux centres de vote, d’où l’intérêt de promouvoir les modalités alternatives de vote, que sont le vote par procuration ainsi que, pour les législatives, le vote par Internet et le vote par correspondance postale.
Le vote par correspondance a été une conquête longue et difficile. Dès son premier Congrès de 1928, l’UFE l’avait réclamé, pour permettre aux Français empêchés de se rendre en métropole pour les élections de voter. Pendant plusieurs décennies, cette proposition fut rejetée. Les Français de l’étranger furent néanmoins autorisés à voter par correspondance pour le référendum sur la Constitution de la Ve République de 1958. Suite à la loi de 1976 ouvrant le droit de vote aux Français établis hors de France, des centres de vote furent ouverts, surtout dans des grandes villes. La même année était autorisé le vote par procuration. Ce mode de vote, utile à titre exceptionnel, ne constitue néanmoins pas une solution satisfaisante. D’un point de vue pratique, il impose d’identifier une personne de sa propre liste électorale proche du bureau de vote et n’ayant pas déjà atteint le nombre maximum de procurations autorisées. Sur le plan constitutionnel, la difficulté à garantir un lien de confiance entre mandataire et mandant est susceptible de remettre en cause le principe de sincérité du scrutin. Pour faire face à ces difficultés, il fut décidé en 1982 d’autoriser, à titre dérogatoire et expérimental, le vote par correspondance postale pour les élections au Conseil Supérieur des Français de l’étranger (depuis transformé en Assemblée des Français de l’étranger – AFE). Le législateur avait alors souligné sa préférence pour le vote par correspondance par rapport au vote par procuration, l’estimant « mieux adapté à la situation des Français de l’étranger qui sont souvent séparés les uns des autres et du centre de vote, par des centaines, voire des milliers de kilomètres. Ces grandes distances ne permettent pas toujours l’existence de liens personnels et de confiance entre mandataires et mandants, condition pourtant indispensable au vote par procuration ». Près de vingt ans plus tard, en 2003, le vote électronique fut également autorisé pour ces mêmes élections. Mais jusqu’en 2014, les électeurs lui ont toujours très largement préféré le vote par correspondance postale (jusqu’à 66% de vote par correspondance, 14% de vote électronique et 20% de vote à l’urne en 2006).
En 2012, la mise en place pour les élections législative du très onéreux vote par correspondance électronique pour les élections législatives a conduit à sur-communiquer sur cette nouveauté, au détriment du vote par correspondance postale. De plus le changement des règles entourant le vote par correspondance postale ainsi que divers bugs techniques engendrés par une préparation bâclée ont conduit à la non prise en compte d’une grande partie (la commission des lois de l’AFE avance le chiffre de 50%…) des bulletins parvenus par voie postale. Celui-ci s’est donc effondré, sans que la mise en place du vote Internet ne prenne le relais, puisque l’abstention a quasiment atteint les 80%.
Est-ce cela que nous voulons pour 2017 ? Ne devrions-nous pas plutôt tirer les leçons du passé et faire le maximum pour que les Français de l’étranger puissent exercer du mieux possible leurs droits civiques et politiques ?