Il y a une semaine Lionel Gilberti était arrêté à Mulhouse, sur mandat d’arrêt européen émis par l’Allemagne. Son crime ? Un arriéré de créance alimentaire de 5 000 €, suite à sa décision, il y a 18 mois, de ne plus verser de pension alimentaire tant qu’il demeurerait dans l’impossibilité (validée par un tribunal allemand) de revoir ses deux enfants de 11 et 12 ans. En attendant que la Cour d’Appel de Colmar décide, la semaine prochaine, de donner suite ou non à son extradition vers l’Allemagne, il dort en prison où il poursuit une grève de la faim.
Frappée par la disproportion entre l’objectif poursuivi (le recouvrement d’une créance alimentaire) et les moyens employés (pour Lionel Gilberti les conséquences morales, sociales, familiales et professionnelles d’un emprisonnement et d’une possible extradition ; pour l’Etat français le coût de la mise à exécution d’un mandat d’arrêt européen et d’un emprisonnement dans l’attente du jugement), j’ai interrogé la Ministre de la Justice sur le périmètre d’utilisation du mandat d’arrêt européen.
Comme le souligne Me Thuan dans sa question préjudicielle introduite à la Cour d’appel de Colmar pour transmission à la Cour de Justice de l’Union européenne, certains pays comme l’Irlande, Chypre, la Belgique, la Finlande, la Suède, Luxembourg et l’Autriche n’exécutent les mandats d’arrêt européens qu’après avoir vérifié qu’ils répondaient à un certain principe de proportionnalité. Ne serait-il pas légitime qu’un tel contrôle soit également réalisé par la France ?
Cette affaire est d’autant plus grave qu’elle intervient quelques mois après l’arrestation – également sur mandat européen émis par l’Allemagne – d’Olivier Karrer, président d’une association défendant les parents français s’estimant indûment empêchés par la justice familiale allemande de revoir leurs enfants. Et ces revendications ne concernent pas que la France : depuis 2006, le Parlement européen a reçu plus de 120 pétitions émanant de toute l’UE de parents dénonçant les procédures allemandes en matière de divorce et de garde d’enfants.
Au-delà de cette question sensible (et taboue ?) de la justice familiale allemande, l’affaire Gilberti soulève une fois de plus avec acuité la question des mécanismes de coopération internationale en matière de recouvrement de pension alimentaire. Dans cette affaire, n’aurait-il pas été souhaitable qu’une médiation ait été mise en place afin de permettre au père de maintenir un lien avec ses enfants, et à la mère de percevoir sa pension alimentaire ? Une note du Conseil d’Analyse Stratégique intitulée « Désunion et paternité » revient d’ailleurs sur ces questions, indique qu’en France plus de 40% des pensions alimentaires ne seraient pas correctement versées, et mentionne ma proposition de loi tendant à la création d’une agence pour le recouvrement des pensions alimentaires comme piste visant à remédier à ces difficultés. Je m’efforce actuellement de faire mettre à l’ordre du jour du Sénat l’examen de cette proposition de loi dont l’adoption serait non seulement bénéfique pour les enfants et les parents qui en ont la garde, mais aussi pour les finances de l’Etat (la CAF versant actuellement une allocation en cas de défaillance du débiteur, mais rencontrant de très importantes difficultés pour obtenir le recouvrement des créances).
→ Lire ma question écrite à la Ministre de la Justice et le courrier adressé à Laurent Fabius
→ Voir ma précédente question écrite sur la coopération européenne en matière de litiges familiaux transfrontaliers (toujours en attente de réponse) et un récapitulatif de mes principales interventions au Sénat sur cette question
→ Voir la note du CAS « Désunion et paternité »