Le Ministère des Finances vient enfin de préciser les modalités du remboursement des non-résidents s’étant acquittés de prélèvements sociaux sur leurs revenus immobiliers ces dernières années. Pour ce faire, un recours peut notamment être déposé sous forme électronique via le site internet des impôts.
Attention, seuls seront remboursés les contribuables affiliés à un régime de sécurité sociale d’un autre pays de l’Union européenne, de l’espace économique européen ou suisse. Une bonne moitié des contribuables restent donc exclus du remboursement.
Par ailleurs, les personnes ayant déposé une réclamation avant le 31 décembre 2015 ne pourront se faire rembourser que les sommes indûment versées en 2013 et 2014, la prescription s’appliquant pour les sommes versées en 2012… d’où l’intérêt qu’a eu le gouvernement à jouer la montre…
Enfin, Bercy considère que le prélèvement de solidarité de 2 % dû avant le 1er janvier 2015, dans la mesure où il ne finance pas des branches de la sécurité sociale, n’est pas concerné par la décision de Ruyter et ne fera donc pas l’objet d’une restitution.
Notons également que Bercy, si prompt à recouvrer un impôt pourtant contesté dès l’origine par les parlementaires, est beaucoup plus tatillon quant aux modalités de remboursement et exige moult justificatifs. Avant toute démarche, il importe donc de prendre précisément connaissance de ces exigences : voici donc le texte officiel publié par le Ministère (et bien sûr pas accessible en Une du site, mais accessible dans les tréfonds de la « salle de presse »).
J’ai interrogé le Centre des Impôts des Non Résidents qui m’a précisé les éléments suivants :
- Le délai de réclamation expire le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement : les prélèvements sociaux relatifs aux revenus fonciers de l’année 2012, mis en recouvrement en 2013, pourront donc faire l’objet d’une réclamation jusqu’au 31 décembre 2015. Les prélèvements sociaux acquittés en 2012 pouvaient, eux, être contestés jusqu’au 31 décembre 2014.
- S’agissant des étapes de la procédure de réclamation : les contribuables qui entendent obtenir soit la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire, ont l’obligation d’adresser une réclamation au service des impôts avant de pouvoir saisir de la contestation la juridiction compétente. Le caractère obligatoire de la réclamation résulte des articles R* 190-1 du livre des procédures fiscales et R 772-2 du code de justice administrative.
- Concernant les justificatifs exigés : une réclamation, doit en principe être accompagnée de l’avis d’imposition ou de mise en recouvrement de l’impôt contesté. De plus, dans ce cas précis, l’usager titulaire des revenus devra justifier de son affiliation à un régime de sécurité sociale dans un État membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen (en produisant, un certificat provisoire de remplacement de la carte européenne d’assurance-maladie établi par l’institution compétente de l’État membre de résidence) ou en Suisse (en produisant soit le formulaire de déclaration du choix du système d’assurance-maladie applicable, complété par la CPAM du lieu de résidence, soit un document portable dit S 1 ou à défaut les anciens formulaires E 106 ou E 121, ou encore une attestation dite LAMal de l’assureur suisse). Les couples soumis à une imposition commune (mariés ou Pacsés) avec un seul des conjoints entrant dans le champ de la jurisprudence « de Ruyter » devront en outre justifier du titulaire des revenus sur lesquels ont été assis les prélèvements sociaux contestés, en attestant de leur régime matrimonial ou des stipulations du contrat de PACS.
Cela pourrait être le mot de la fin… mais plusieurs inconnues demeurent :
1) Pour les prélèvements sociaux opérés sur les produits de placement et retenus à la source notamment par les établissements de crédit ou les entreprises d’assurance (comptes et livrets d’épargne réglementée, dividendes, intérêts, contrats d’assurance vie, etc.) : les modalités de dépôt des réclamations sont encore en cours de définition et « seront prochainement communiquées ».
2) Quelle évolution de la législation fiscale en matière de prélèvements sociaux ?
Si la « restitution » des prélèvements sociaux ne concerne pour l’instant que les contribuables non-résidents établis dans l’UE, l’EEE ou en Suisse, le débat parlementaire s’attachera à tenter d’obtenir une suppression de cette mesure au bénéfice de l’ensemble des non-résidents, la rupture d’égalité des droits étant désormais manifeste.
Nous nous heurterons néanmoins à la volonté de Bercy de contourner les décisions de justice européenne et française en réaffectant les recettes de ces prélèvements sociaux hors des caisses du régime général de la sécurité sociale. Un artifice scandaleux que nous allons bien évidemment contester.
J’ai par ailleurs souligné auprès de la Direction du centre des impôts des non résidents combien je regrettais la faible accessibilité des informations relatives aux modalités de recours, alors même que les délais sont serrés, puisque tout doit être bouclé avant le 31 décembre 2015. Je regrette notamment que les contribuables souhaitant davantage de renseignements soient contraints de s’adresser à un numéro surtaxé, Impôts Service, du lundi au vendredi de 9H00 à 17H00, hors jours fériés, au 0812 04 00 95 (communication banalisée + 6 cts d’€ par minute). Il m’a été répondu que ces protestations seraient transmises à l’administration centrale. Espérons une prise en compte rapide…
Bref, une étape décisive du feuilleton fiscal est en train de se jouer… mais celui-ci est loin d’être fini !
Dans l’attente du débat parlementaire, j’ai d’ailleurs rédigé un communiqué de presse, cosigné par Jacky Deromedi et Christophe-André Frassa, pour dénoncer ces dévoiements.