Après de longs mois d’attente, le Conseil d’Etat a enfin statué sur le fond, confirmant le jugement rendu en février par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Des contribuables n’étant pas affiliés au régime français de Sécurité sociale ne peuvent être assujettis à la CSG et la CRDS, car ils ne bénéficient pas des prestations sociales financées par ces cotisations. Le gouvernement ne peut tergiverser plus longtemps.
Suite à l’arrêt de la CJUE, j’avais, par une question écrite, demandé quelles conséquences le gouvernement tirerait de cette décision européenne, sous quel délai et selon quelles modalités pourrait intervenir le remboursement des cotisations indûment prélevées. Le gouvernement a joué la montre jusqu’au bout, indiquant dans sa réponse attendre la décision du Conseil d’Etat… c’est désormais chose faite.
J’ai donc déposé une nouvelle question écrite afin d’obtenir un éclaircissement pour que tous les contribuables lésés disposent d’informations transparentes sur les moyens d’obtenir un remboursement.
Pour ceux qui auraient perdu le fil de ce dossier complexe, petit rappel des épisodes précédents:
Dans les années 1990, seules les personnes physiques à la fois considérées comme fiscalement domiciliées en France et à la charge d’un régime obligatoire d’assurance maladie français étaient redevables des prélèvements sociaux sur les revenus d’activité de remplacement. Par conséquent, les non-résidents fiscaux français étaient exclus du champ d’application des prélèvements sociaux français.
Puis la deuxième loi de finances rectificatives pour 2012 a étendu le champ d’application des prélèvements sociaux aux revenus fonciers (à compter du 1er janvier 2012) et plus-values immobilières (à compter du 17 août 2012) de source française perçus par des personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France.
En 2013, la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction à l’encontre de la France (procédure EU Pilot 2013/4168) en vue de sanctionner la double imposition mise à la charge des non-résidents.
En novembre 2013, le Conseil d’Etat a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) d’une question préjudicielle: « La loi française est-elle contraire à la législation européenne qui prévoit qu’un résident de l’Union européenne ne peut être soumis à des cotisations sociales dans plusieurs Etats membres? » (Recours 623/13 29 novembre 2013).
Par un arrêt en date du 26 février 2015 (aff. n°C-623/13, Ministre de l’économie et des finances c/ de Ruyter), la CJUE a considéré que les personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre ne peuvent être assujetties en France à des prélèvements sociaux sur leurs revenus de patrimoine de source étrangère compte tenu de l’affectation de ces prélèvements au financement de la protection sociale française. Pour ceux que cela intéresse, les conclusions de l’avocat général se trouvent ici.
Et maintenant?
La Commission européenne devrait tirer les conséquences de cette interprétation de la CJUE en condamnant la France dans le cadre de la procédure d’infraction ouverte à son encontre en 2013.
La France devrait alors se mettre en conformité avec le droit européen s’agissant des prélèvements sociaux sur les revenus immobiliers des non-résidents.
Le Ministre des finances et des comptes publics l’a d’ailleurs écrit dans sa réponse à ma question n°16202: le Gouvernement « ne manquera pas de prendre dans les meilleurs délais les dispositions nécessaires, juridiques et pratiques pour les contribuables, tant pour le règlement des situations passées que pour l’avenir« . J’avais d’ailleurs demandé dans cette même question qu’une notice explicative soit élaborée par les services de Bercy afin de présenter les démarches à engager pour obtenir le remboursement des cotisations indûment perçues, et que cette notice soit disponible sur le site internet du Centre des impôts, sur celui du Ministère des affaires étrangères et du développement international, sur celui des consulats et sur Facebook, via la page Pegase.
Concrètement, trois options se présentent, plus ou moins favorables pour les non-résidents français:
– Un retour au régime applicable antérieurement à la réforme de 2012;
– Un assujettissement limité aux non-résidents affiliés exclusivement au régime de sécurité sociale français;
– Une exclusion limitée aux non-résidents de l’Union européenne (entendons par là les personnes affiliées à un régime obligatoire dans un des pays entrant dans le champ d’application territorial des règlements communautaires, c’est-à-dire les 28 Etats membres de l’Union européenne, ainsi que la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Confédération helvétique en application de l’accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne) affiliés à un régime de sécurité sociale étranger.
Cependant cette dernière option pourrait être contestée. En effet, comme je le rappelais en février, la différence de taux d’imposition entre les non-résidents de l’UE et les non-résidents hors UE est contraire au principe de libre circulation des capitaux (article 63 du traité sur le fonctionnement de l’UE). La France ne saurait donc s’engager dans cette voie, sauf à s’exposer à une éventuelle condamnation.
En tout état de cause, la modification de la législation fiscale devrait intervenir en loi de finances rectificative en fin d’année..
En attendant et comme je vous l’avais déjà vivement recommandé en février, je vous rappelle l’importance de déposer vos réclamations avant le 31 décembre 2015. A noter que les demandes déposées aujourd’hui ne permettront d’obtenir le remboursement que des prélèvements sociaux relatifs aux revenus fonciers depuis le 1er janvier 2012 et aux plus-values réalisées depuis le 1er janvier 2014. Sachez enfin que l’administration fiscale dispose d’un délai de six mois pour répondre. En cas de réponse négative, vous avez quatre mois pour contester cette décision auprès du tribunal administratif de Montreuil (compétent pour les non-résidents fiscaux).
Bien évidemment, je continuerai à suivre ce dossier avec toute l’attention requise..
-> Prélèvements sociaux: nouvelle décision de justice en faveur d’une exonération