Fév 26 2015

La CJUE juge non conforme au droit européen l’assujettissement aux cotisations sociales des revenus du patrimoine des non-résidents

Fiscalité non résidentsDans son arrêt sur l’affaire C-623/13 Ministre de l’Économie et des Finances / Gérard de Ruyter du 26 février 2015, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu une décision qui ouvre des perspectives intéressantes pour les non-résidents propriétaires de biens immobiliers en France qui supportent depuis 2012 la CSG et de la CRDS sur les revenus qu’ils en retirent.

C’est une première victoire pour les parlementaires mobilisés depuis que le gouvernement a eu l’idée risquée et saugrenue de faire voter en loi de finances l’assujettissement aux cotisations sociales du patrimoine immobilier des non résidents. Je m’étais vigoureusement opposée à cette mesure dès le débat sur la loi de finances rectificative, et n’avais ensuite cessé de suivre ce dossier, notamment par le dépôt d’une question écrite et d’amendements.

En parallèle, je m’étais renseignée auprès du Service des Impôts des Non-Résidents pour vérifier la procédure de contestation, qui devrait permettre aux contribuable de se faire rembourser l’impôt indûment perçu. Le premier réflexe doit être d’adresser une réclamation contentieuse à l’administration fiscale. En cas d’échec, il est possible de saisir la justice administrative. Mais seul le tribunal administratif de Montreuil est compétent en matière de fiscalité des non-résidents. Il peut être saisi gratuitement et sans besoin de passer par un avocat par toute personne ayant élu domicile dans le ressort de son tribunal. La majorité des Français de l’étranger, n’ayant aucune attache sur ce territoire, devra recourir à un avocat, ce qui rend la procédure coûteuse. Surprise par le fait qu’une telle discrimination puisse perdurer, j’ai demandé à la Ministre de la Justice de se saisir au plus vite de ce dossier.

Attention, la décision de la CJUE n’emporte toutefois aucun effet immédiat pour les contribuables. Bercy va forcément chercher tous les moyens de minimiser l’impact de cette décision sur ses recettes fiscales. Même si l’étau se resserre, le gouvernement risque de chercher à gagner du temps, en attendant, pour modifier la législation, qu’intervienne une décision de justice visant précisément le cas des non résidents (le cas tranché par la CJUE concernait un national néerlandais qui est résident fiscal de France). De plus, la décision de la CJUE intervient au sujet d’une question préjudicielle, et c’est désormais le Conseil d’Etat qui devrait être amené à se prononcer. La modification de la législation fiscale devrait ensuite intervenir en loi de finances rectificative, donc pas avant plusieurs mois.

Par ailleurs, en cas de modification de la législation fiscale, il n’est pas certain que l’ensemble des non-résidents propriétaires de biens immobiliers en France soient exonérés de prélèvements sociaux. Le gouvernement aura potentiellement le choix entre trois solutions : maintenir la législation inchangée (solution improbable du fait de l’arrêt de la CJUE), supprimer l’assujettissement aux prélèvements sociaux de l’ensemble des revenus patrimoniaux de tous les non résidents ou ne le supprimer que sous certaines conditions. Il existe notamment un risque que la modification ne concerne que les résidents européens affiliés à la sécurité sociale de leur pays de résidence, qui pourront s’appuyer sur la jurisprudence de l’affaire de Ruyter pour demander la décharge des prélèvements sociaux. Les non-résidents fiscaux affiliés à la sécurité sociale française ne pourront, eux, s’appuyer sur un tel argumentaire, et risquent d’avoir à mobiliser le principe de la liberté de circulation des capitaux pour fonder leur requête.

Si la décision de la CJUE constitue une étape essentielle, le feuilleton fiscal n’est pas encore achevé et il est fortement recommandé de déposer dès que possible des réclamations pour ne pas risque de se voir opposer la prescription.

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