Après 3 mois de débats parlementaires et de saturation de l’espace médiatique, François Hollande a finalement renoncé à sa réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité. Une issue qui était malheureusement prévisible, étant donné les bases bancales sur lesquelles avait été construit le débat. Mais une perte de temps dont nous nous serions bien passé, eu égard aux défis majeurs auxquels notre pays doit faire face.
Dès l’origine, j’avais dit mon opposition à une mesure stigmatisant une fois de plus les binationaux, déjà trop souvent pris comme boucs-émissaires. Créer des apatrides posait aussi un problème juridique, ne serait-ce que parce que cela aurait été contraire à l’esprit, sinon à la lettre, de nos engagements internationaux.
Mon opposition au dispositif proposé par le gouvernement n’avait rien d’idéologique. Je ne suis pas opposée en soi à la déchéance de nationalité. La lutte contre le terrorisme ne peut souffrir de faux semblants. Mais encore faut-il que cette déchéance de nationalité soit conçue comme une mesure vraiment utile et non purement symbolique. Comme je l’ai rappelé sur Public Sénat, les Britanniques prononcent des déchéances de nationalité contre des aspirants djihadistes partis en Syrie, afin de les empêcher de revenir sur le sol national. François Hollande proposait, lui, de déchoir a posteriori des personnes déjà condamnées pour terrorisme… Aucune efficacité préventive donc, et beaucoup de complications diplomatiques en perspectives pour extrader vers l’étranger des apatrides…
Enfin, il me semblait inutile voire dangereux d’inscrire dans la Constitution des mesures de lutte contre le terrorisme pouvant être prises par simple aménagement du cadre légal existant. Selon la même logique, la constitutionnalisation de l’état d’urgence ne me paraissait pas indispensable – le Conseil Constitutionnel estimant que les mesures qu’il recouvre étaient permises par la Constitution actuelle. Dans la mesure où une telle constitutionnalisation a tout de même été votée, il convenait d’accroître les garanties lors de son instauration. J’ai donc cosigné un amendement de mon collègue Claude Malhuret en ce sens, qui a été adopté par le Sénat.
Il était par ailleurs nécessaire de « muscler » le Projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. Le Sénat s’en est chargé. Plusieurs amendements que j’ai cosignés s’inscrivaient dans cette perspective et ont été adoptés, notamment pour :
- Assimiler à un acte de terrorisme le fait d’avoir séjourné intentionnellement à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes afin d’entrer en relation avec un ou plusieurs de ces groupements en l’absence de motif légitime,
- Rallonger de 8 à 15 jours la durée de conservation des données collectées par les dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules afin de permettre la consultation du traitement automatisé des données relatives aux objets et véhicules signalés ainsi que du système d’information Schengen,
- Supprimer la limitation à deux heures de la retenue des mineurs de dix-huit ans (la limitation actuellement à 4h n’étant pas attentatoire à leurs droits et étant précieuse pour permettre aux services de polices de procéder aux vérifications d’identité)
- Réduire de 6 à 1 mois – sauf procédure judiciaire en cours – la durée de conservation des images de vidéoprotection prises sur la voie publique, dans des commerces ou encore sur un lieu de travail. Quelques jours suffisent en effet à effectuer les vérifications nécessaires en cas d’incident et à enclencher d’éventuelles procédures pénales. Une durée de conservation de six mois semble d’autant plus excessive que la CNIL n’a pas été consultée en amont sur l’opportunité d’un tel dispositif. Ce souci d’un équilibre entre l’efficacité de la lutte contre le terrorisme et la préservation des libertés publiques et démocratiques était déjà au cœur de mon rapport pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN en 2014 ou dans mon intervention sur le projet de loi de lutte contre le terrorisme de 2014.
Autre axe essentiel, complémentaire à ces mesures répressives : la déradicalisation. J’avais insisté sur ce point dans mon rapport de 2015 sur le terrorisme pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (concrétisé par le vote d’une résolution adoptée à l’unanimité), mais aussi dans plusieurs rencontres avec diverses personnalités du monde musulman et notamment le grand imam de la mosquée al-Azhar du Caire, l’autorité suprême des sunnites. Ma récente visite à la prison de Fresnes et mes échanges avec des terroristes – ou supposés tels – mis à l’isolement après un assassinat ou à leur retour de Syrie a renforcé ma conviction de l’urgence de mieux appréhender le phénomène de la radicalisation en milieu carcéral (on parle de 15% de terroristes qui auraient été radicalisés lors de leur séjour en prison).
Enfin, j’insiste depuis de longs mois pour une meilleure coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme et son financement. Je l’avais souligné dans une question au gouvernement en janvier 2015. J’ai à plusieurs reprises travaillé ce thème au sein de la commission des affaires étrangères et européennes, que ce soit à l’occasion de mon rapport sur la coopération avec les Etats-Unis contre le terrorisme ou (avec Michel Delebarre) de notre communication sur la coopération policière européenne contre le terrorisme, qui a abouti à la rédaction d’une proposition de résolution européenne tendant à l’adoption d’un Acte pour la sécurité intérieure de l’Union européenne, au printemps 2015. Suite aux attentats de Paris, j’avais déposé une proposition de résolution relative à la création d’une commission d’enquête sur la coopération internationale entre services de renseignement et en matière d’enquêtes judiciaires dans la lutte contre le terrorisme. Je vais poursuivre l’approfondissement de cette réflexion dans mon troisième rapport sur le terrorisme pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN.