Juil 10 2012

Un nouveau régime matrimonial pour une meilleure sécurité juridique des couples mixtes

(c) Petit Larousse 2010

Les horaires d’Eurostar et les embouteillages parisiens ne m’ont malheureusement pas permis d’arriver à temps de Londres (où je m’étais rendue le matin même pour participer à la visite de François Hollande) pour présenter devant la Commission des Affaires étrangères mon rapport relatif au projet de loi de ratification de l’accord franco-allemand du 4 février 2010 instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts. Les délais étant très serrés, j’avais heureusement prévu ce type d’aléas, et avais adressé au Président de notre Commission, Jean-Louis Carrère, mon intervention qu’il a lue pour moi, ce dont je lui suis très reconnaissante.

Le principe de cet accord franco-allemand est de permettre aux époux de vivre, pendant leur mariage, sous le régime de la séparation de biens, tout en instituant, lors de la dissolution du mariage, un juste partage entre les époux du patrimoine acquis pendant le mariage.

L’intérêt de ce nouveau régime est de faciliter les relations patrimoniales des couples en leur offrant une plus grande sécurité juridique lors de l’établissement, du fonctionnement (par exemple lorsqu’un couple franco-allemand souhaite acquérir un bien immobilier en Allemagne) et de la liquidation de leur régime matrimonial. Il permet d’établir une meilleure lisibilité, non seulement au sein du couple, mais aussi vis-à-vis des héritiers et des tiers (par exemple les banques, dans le cas d’un projet d’acquisition immobilière).

Loin de ne concerner que les couples franco-allemands, le nouveau contrat de mariage créé par cet accord pourra être choisi par tout couple se mariant en France ou en Allemagne, quelle que soit la nationalité des conjoints, ou par tout couple se mariant dans un État tiers, pourvu que l’un au moins des conjoints soit de nationalité française ou allemande ou réside habituellement en France ou en Allemagne, ou possède des biens immobiliers en Allemagne ou établira sa première résidence habituelle en France après le mariage.

Ce nouveau régime matrimonial constitue, pour les couples souhaitant se marier sous contrat de mariage, un choix supplémentaire, parallèlement aux contrats existant déjà en droit français et allemand (communauté, participation aux acquêts, séparation des biens). Optionnel, il pourra, comme tout autre contrat de mariage, être signé devant un notaire ou, pour les couples établis hors de l’Union européenne, dans un de nos consulats. Les couples qui n’entreprendront pas de démarche pour choisir ce nouveau régime ou l’un des autres régimes légaux seront mariés « par défaut » sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (en droit français), ou sous celui de la participation aux acquêts (en droit allemand).

Dans mon rapport, j’ai tenu à souligner l’enjeu crucial de l’information. Le nouveau régime matrimonial étant optionnel, il ne pourra être choisi par les couples que si ceux-ci sont informés de son existence et de ses implications. Au-delà, la création de ce nouveau dispositif ainsi que la possibilité désormais ouverte aux couples de choisir la législation nationale régissant leur mariage (« Rome III ») plaident en faveur d’une information généralisée des couples quant aux spécificités juridiques auxquelles ils peuvent être confrontés durant leur mariage ou en cas de divorce (autorité parentale, partage du patrimoine,…) dès lors qu’intervient un élément international (nationalité différente des conjoints, expatriation, etc.). Une telle information pourrait avoir lieu lors de l’audition des futurs époux déjà réalisée en mairie (ou au consulat). Cela suppose de former les officiers d’état civil à cette thématique. Comme j’ai souvent eu l’occasion de le demander ces dernières années, il serait également important de remettre aux futurs époux un petit fascicule récapitulant les points de droit essentiels en cas de mariage mixte ou d’expatriation.

S’il est trop tôt pour voir dans cette initiative un premier pas en direction de la nécessaire harmonisation des droits de la famille au sein de l’Union européenne, la volonté de l’Allemagne et de la France d’intégrer à leur propre droit interne un dispositif juridique commun – même s’il demeure optionnel – est encourageante. D’autant que d’autres pays de l’UE, comme le Luxembourg, ont déjà fait part de leur intérêt pour intégrer ce régime matrimonial à leur propre droit interne. Et que, toujours dans le champ du droit de la famille, l’entrée en vigueur de Rome III (mécanisme de coopération renforcé auquel participent 14 pays) reflète la volonté des États membres d’aider les couples mixtes à mieux comprendre et prévoir les règles juridiques régissant leur union.

-> Lire mon rapport à la Commission des Affaires étrangères

-> Lire le projet de loi de ratification
-> Consulter l’accord franco-allemand instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts