mai 2018

Mai 31 2018

Français de l’étranger et mandat de protection future – le point sur la procédure

Le « mandat de protection future » permet à une personne de charger un ou plusieurs mandataires de la représenter pour le cas où, en raison d’une altération de ses facultés mentales ou en raison d’un état pathologique médicalement constaté, elle se trouverait dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts. Il organise ainsi une protection juridique de la personne vulnérable et de son patrimoine sans lui faire perdre ses droits et sa capacité juridique.

Le cadre législatif ne précise néanmoins pas comment traitées les demandes déposées par des Français établis hors de France. J’ai donc interrogé le Ministre des Affaires étrangères qui m’a apporté un certain nombre de précisions :
– les règles de procédure civile françaises ne s’appliquent à un mandat de protection future que si le mandant est domicilié en France.
– s’agissant des ressortissants français résidant dans un pays ayant adhéré à la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes, (Autriche, Écosse, Estonie, Finlande, Lettonie, Monaco, République Tchèque et Suisse), les “modalités d’exercice” du mandat de protection future sont régies par la loi du pays où le ressortissant a sa résidence habituelle
– pour les pays non signataires de la Convention de la Haye du 13 janvier 2000, et en l’absence d’une convention bilatérale spéciale, la mise en œuvre et l’exécution du mandat de protection future est soumise aux règles de droit international privé local.

La protection des majeurs est donc appliquée de manière assez inégale selon les États. En cas de doute, et il peut être prudent de se renseigner sur l’état de la législation dans son pays de résidence, par exemple en sollicitant un notaire.

Voir la question écrite et la réponse du ministre

Mai 27 2018

OTAN : un rapport propose un « article 5 bis » contre la guerre « hybride »

Article de L’Orient le Jour :

Les parlementaires de l’OTAN, réunis jusqu’à lundi à Varsovie, pourraient proposer de modifier l’article 5 du traité de Washington pour garantir une riposte collective en cas d’attaque « hybride », a indiqué à l’AFP la sénatrice française Joëlle Garriaud-Maylam.

L’expression « tactiques de guerre hybrides » décrit celles qui ont permis à la Russie d’annexer la Crimée, alliant désinformation, menaces sur des infrastructures civiles et intervention à couvert de forces spéciales. L’article 5 stipule qu’une attaque armée contre un membre de l’OTAN est considérée par tous les autres comme une attaque contre eux.

La suggestion d’ajouter au traité « un article 5 bis » a été présentée samedi à la commission sur la dimension civile de la sécurité au sein de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, présidée par Mme Garriaud-Maylam, par un conservateur britannique, Lord Jopling, dans son projet de rapport intitulé « Parades aux menaces hybrides émanant de la Russie ».

Le rapporteur rappelle que l’idée en a été lancée récemment par l’ancien secrétaire aux Affaires étrangères du Royaume-Uni, William Hague. « Il se peut que la modification d’un traité ayant subi avec succès l’épreuve du temps ne sourie guère aux Alliés, mais le rapporteur a la conviction que les dirigeants des pays membres devraient peut-être, même dès leur prochain sommet, qui se tiendra à Bruxelles en juillet, entamer la rédaction d’un nouveau concept stratégique de l’Alliance qui refléterait la nouvelle réalité mondiale en matière de sécurité, à commencer par la montée des menaces hybrides », a écrit Lord Jopling.

Les propositions des parlementaires de l’OTAN concernant l’agenda du sommet de juillet doivent être votées lundi en session plénière.

La question du flanc oriental de l’Otan et des préoccupations des pays membres de cette zone, la Pologne en tête, face à la politique russe, depuis l’annexion de la Crimée et la rébellion pro-russe dans l’Est de l’Ukraine, aura été l’un des principaux sujets des travaux des parlementaires de l’Alliance, a confirmé Mme Garriaud-Maylam.

Mai 25 2018

Fiscalité des expatriés – les chantiers de la discorde

Ma tribune publiée par Atlantico :

Alors qu’une mission a été confiée à une députée LREM des Français de l’étranger qui n’a pas jugé bon jusqu’ici d’associer ou de solliciter l’avis des sénateurs des Français de l’étranger, pourtant bien au fait de ces questions depuis longtemps, les dossiers relatifs à la fiscalité des expatriés s’accumulent, sans qu’une direction claire soit, à ce stade, donnée par le gouvernement.

La récente annonce d’Emmanuel Macron à un magazine étranger quant à une suppression de l’exit tax apparaît comme un effet de manches pour masquer le manque de volonté d’orienter la politique fiscale de la France de manière moins discriminante à l’encontre des expatriés. L’exit tax est un symbole, une mesure sans conséquence pour l’immense majorité des expatriés – y compris les entrepreneurs. Surtout, alors qu’une exit tax européenne va être mise en place d’ici quelques mois, l’annonce présidentielle semble quelque peu dérisoire et décalée…

Communication à outrance d’un côté, décisions à huis clos de l’autre… pour répercuter la hausse de la CSG sur les retraites des expatriés, le gouvernement ne s’est pas embarrassé de consultations : aucune évocation dans le débat parlementaire, un décret pris en catimini entre Noël et le Nouvel An avec application immédiate, des caisses de retraite mises devant le fait accompli sans avoir été au préalable informées… la méthode avait suscité un tollé, contraignant Gérald Darmanin à en suspendre l’application. Néanmoins, les contribuables n’ont pas encore eu de réponse quant au remboursement des sommes indûment prélevées en janvier et février. Surtout il y a fort à parier que Bercy cherchera un moyen de contourner les difficultés juridiques pour réintroduire ce prélèvement.

De même, malgré les promesses d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, la France n’a pas bougé d’un iota sur l’assujettissement des revenus du capital des non-résidents aux prélèvements sociaux, mis en place sous Hollande et maintenu contre vents et marées, au prix de quelques ajustements pour éviter de nouvelles condamnations européennes. Sur le fond, il demeure choquant que des contribuables ne bénéficiant pas des prestations sociales françaises soient contraints de participer à son financement.

Cette situation est d’autant plus pénalisante pour les expatriés établis dans des pays n’assimilant pas les prélèvements sociaux à un impôt et ne faisant de ce fait pas bénéficier les contribuables des conventions de non-double imposition. Une intervention diplomatique pour rouvrir des négociations avec les pays concernés serait indispensable. Encore faut-il en avoir la volonté politique.

La détermination, le gouvernement en aura aussi besoin pour faire progresser le dossier des « Américains accidentels », poursuivis par le fisc américain, contraints de fournir des données personnelles aux États-Unis et parfois sous le coup d’une clôture de leur compte bancaire français.

Parmi les discriminations depuis longtemps signalés, mais qu’il serait temps de voir enfin sérieusement prises en compte par le gouvernement, signalons l’impossibilité actuelle faite aux non-résidents de déduire des impôts réglés en France des dépenses telles qu’une pension alimentaire ou un don aux œuvres. Elle constitue une violation manifeste d’égalité devant l’impôt.

Enfin, le statut juridique et fiscal de l’habitation conservée en France par les expatriés : l’assimiler à une résidence secondaire, avec les incidences fiscales mais aussi les contraintes locatives que cela implique, est injuste. Conserver un logement en France est une sécurité pour les expatriés et une assurance de pouvoir se réintégrer dans notre pays. Pour ceux qui ne pourront bénéficier du système de retraite français, c’est aussi une manière de sécuriser leur avenir.

L’expatriation est une chance pour la France, à condition d’établir une relation fluide et constructive entre nos meilleurs ambassadeurs à l’étranger et la mère patrie. Au lieu de souffler le chaud et le froid, il faut offrir une meilleure sécurité juridique et une plus grande clarté administrative aux Français de l’étranger.

Mai 23 2018

Allocation aux harkis : la colère des sénateurs contre le gouvernement

Article de Public Sénat du 24 mai 2018 :

Le gouvernement a refusé, ce mercredi au Sénat, d’aligner les allocations de reconnaissance versées à certains anciens combattants harkis sur celles des anciens soldats supplétifs européens. Un refus qui a provoqué la colère des sénateurs.

« Nous parlons de 74 harkis, qui se sont battus pour la France pendant la Guerre d’Algérie, et encore aujourd’hui en 2018 nous hésitons sur un amendement qui régularise leurs droits ? Je dis non ! C’est une question d’honneur pour la France ! », s’est indigné la sénatrice (Les Républicains) Joëlle Garriaud-Maylam, ce mercredi au Sénat, durant l’examen de la loi de programmation militaire.

Durant ce débat, le gouvernement s’est opposé à deux amendements des groupes LR et RDSE au Sénat qui permettent de régulariser les aides versées à 74 anciens combattants, déboutés par l’administration française. En effet, avant 2011, la loi française distinguait les combattants supplétifs (hors armée régulière) de droit local, applicable aux populations arabo-berbères, les harkis, et les combattants supplétifs de droit commun, d’origine européenne. Ce double régime a donc entraîné deux niveaux d’allocations pour les anciens combattants.

En 2011, cette distinction a été considérée comme inconstitutionnelle et discriminante et est inscrite dans la loi en 2013. Cette dernière prévoyait une rétroactivité entre 2011 et 2013, par la suite censurée par le Conseil constitutionnel. Sur ce motif, 74 anciens combattants harkis ayant ainsi demandé une régularisation de leurs allocations entre 2011 et 2013, ont été déboutés. L’allocation de reconnaissance demandée s’élevait à plus de 3600 euros par an.

Un motif de non rétroactivité repris, ce mercredi, par la secrétaire d’Etat Geneviève Darrieussecq, pour s’opposer à l’amendement des sénateurs, malgré tout adopté par la majorité des sénateurs, qui lui a reproché sa réponse sèche et technocratique.

À noter que chaque année, 100 anciens combattants disparaissent, du fait de leur âge avancé.

Mai 23 2018

Défense des harkis : amendement adopté

Plus de cinquante après la fin de la guerre d’Algérie, la législation française distingue encore les supplétifs de statut civil de droit local (Arabo-Berbères membres des harka) et ceux de droit commun (souche européenne). Une anomalie qui ne nous fait pas honneur.

Dans le débat sur la LPM 2019-2025, j’ai défendu en séance l’amendement de mon collègue sénateur de l’Hérault Jean-Pierre Grand dont j’étais cosignataire, et qui a finalement pu être adopté malgré l’avis défavorable du gouvernement.

L’argument budgétaire n’a pas lieu d’être puisque seuls 74 supplétifs sont éligibles à une indemnisation au titre de la décision du Conseil Constitutionnel n° 2010-93 QPC du 4 février 2011. Or leurs dossiers ont jusqu’ici toujours été rejetés, pour de complexes raisons administratives, laissant ces vétérans âgés dans une situation de grande précarité. Ceux qui ont engagé une action judiciaire ont eu gain de cause devant le Conseil d’État…preuve de leur bon droit. Mais beaucoup ont abandonné.

L’enjeu de cet amendement était donc double : sur le plan matériel, permettre à ces 74 supplétifs de faire valoir leurs droits ; sur le plan symbolique, affirmer l’égalité entre tous les supplétifs, quelle que soit leur origine.

Je suis heureuse que cette manche ait enfin pu être remportée par le Sénat car en 2013, c’est en vain que j’avais défendu l’amendement de Bruno Gilles contestant la discrimination qui venait d’être introduite par le gouvernement Hollande…. une position que j’avais aussi réaffirmée en 2016 en cosignant une proposition de loi relative à la reconnaissance de la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis.

Voir l’article de Public Sénat

 

Mai 22 2018

LPM : deux nouveaux amendements en faveur des Français de l’étranger

En 2015, à l’occasion d’une actualisation de la loi de programmation militaire, j’avais pu faire adopter trois amendements pour faciliter l’engagement des Français de l’étranger dans la réserve citoyenne. Trois ans plus tard, le projet de loi de programmation militaire 2019-2025 me permet d’obtenir des avancées supplémentaires en faveur de la citoyenneté des jeunes expatriés, de leur sensibilisation aux valeurs patriotiques et de leurs possibilités d’insertion vers l’emploi via une expérience auprès de notre armée. A l’heure où nous ne connaissons toujours pas les contours définitifs du Service national universel (SNU), il est en effet crucial de réaffirmer l’importance d’inclure les Français de l’étranger dans les dispositifs de promotion de la citoyenneté et de sensibilisation à l’esprit de défense.

Le premier de mes amendements vise à conforter la possibilité effective des Français de l’étranger de participer à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) à l’étranger, en inscrivant dans la loi l’obligation qu’un rapport annuel soit transmis chaque année aux élus des Français de l’étranger. Trop souvent en effet, sous des prétextes divers, ces JDC ne sont pas organisées à l’étranger, privant ainsi nos jeunes Français expatriés de cette occasion unique de mieux connaître nos valeurs, comprendre les enjeux de notre architecture de défense et renforcer leur lien avec l’armée. Bien sûr certains postes peuvent rencontrer des difficultés d’organisation, nos jeunes Français habitent parfois très loin des postes diplomatiques et consulaires (et l’on pourrait dans ces cas-là envisager, comme j’avais déjà eu l’occasion de le suggérer, un MOOC – formation électronique – sur ces dossiers). Mais il est indispensable, comme la Cour des Comptes l’avait aussi préconisé, de pleinement respecter le caractère obligatoire de la JDC et ce rapport annuel devrait nous permettre de connaître et donc mieux tenter de pallier les défaillances du maillage des JDC.

Mon second amendement mettra fin à une discrimination à l’encontre des jeunes Français de l’étranger. Ils étaient en effet jusqu’ici exclus de la possibilité de postuler au service militaire volontaire (SMV), dispositif créé en 2015, s’inspirant du service militaire adapté (SMA) existant en outre-mer depuis 1961, qui propose aux jeunes de 18 à 25 ans un parcours d’insertion vers l’emploi de 6 à 12 mois, avec une formation à la vie en collectivité dans un cadre militaire et une formation professionnelle comprenant notamment l’obtention du permis de conduire. Précisons qu’un autre amendement sur l’ouverture de ce SMV aux Français de l’étranger avait été déposé – après le mien et en termes identiques – par ma collègue socialiste Hélène Conway-Mouret, pratique assez courante qui entraîne l’examen de ces amendements dans le cadre d’une discussion commune. Nos deux amendements ont donc été adoptés en même temps par un vote unique.

Je remercie ceux de mes collègues sénateurs LR des Français de l’étranger qui les ont cosignés (Jean-Pierre Bansard, Evelyne Renaud-Garanedian Christophe-André Frassa et Ronan Le Gleut), ainsi que mes collègues de la commission des affaires étrangères et son président Christian Cambon pour leur soutien.

Mai 15 2018

FATCA et « Américains accidentels » : l’urgence d’une négociation avec les autorités américaines

Intervention dans l’hémicycle hier après-midi en soutien de la proposition de résolution de ma collègue Jacky Deromedi, que j’avais évidemment cosignée, appelant le gouvernement français à s’investir sur le dossier des « Américains accidentels », ces Français nés sur le sol américain – par exemple à la faveur de l’expatriation temporaire de leurs parents – n’ayant conservé aucun lien avec les États-Unis mais se voyant réclamer d’importantes sommes d’argent par le fisc américain.

Comme je l’ai souligné en séance, l’enjeu va bien au-delà d’une simple question fiscale : renoncer à sa nationalité américaine s’avère un vrai parcours du combattant pour ces Français et nécessite le transfert de données personnelles sensibles aux autorités américaines. Si l’on ne peut pas empêcher les États-Unis de mettre souverainement en œuvre une imposition à raison de la nationalité – alors que notre doctrine, comme celle de la quasi totalité des États du monde, est celle d’une imposition liée à la résidence – nous nous devons de négocier la possibilité pour nos compatriotes « accidentellement » américains de se départir de cette nationalité de façon simple, rapide et respectueuse de leur vie privée.

Ce dossier rejoint aussi celui de l’effectivité du droit au compte – inscrite dans la loi pour les Français de l’étranger depuis l’un de mes amendements de 2011. En effet, certaines banques françaises, effrayées par la complexité des demandes des autorités américaines de mise en conformité avec FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act), ont tendance à clore hâtivement le compte détenu par des Français « ayant des indices d’américanité ». Là encore, l’intervention de l’Etat est délicate, s’agissant de la liberté contractuelle des banques, mais il semble inconcevable de laisser des compatriotes dépourvus de compte bancaire. Une solution doit être trouvée au plus vite.

Enfin, j’ai profité de cette tribune pour évoquer de façon plus générale les lacunes de la convention fiscale franco-américaine, conduisant dans bien des cas à des double-impositions qui devraient être évitées et pénalisent non pas seulement les « Américains accidentels » mais bien l’ensemble de nos compatriotes établis aux États-Unis.

J’ai tenu à remercier Jacky Deromedi de sa proposition de résolution tout en saluant également l’action de nos collègues les députés Marc le Fur et Laurent Saint-Martin, auteurs eux aussi d’une Proposition de Résolution sur le sujet à l’Assemblée nationale et à qui le gouvernement a confié une mission d’information sur le sujet.

Espérons que le dossier avancera vite désormais !

Consulter le compte-rendu intégral de la séance

Mai 15 2018

PPR «Américains accidentels» concernés par le FATCA

Extrait du compte-rendu intégral du 15 mai 2018 :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque État est souverain dans sa politique fiscale. Même si, en France, nous sommes attachés à une imposition à raison de la résidence, et non de la nationalité, nous ne pouvons que prendre acte des décisions fiscales américaines.

En revanche, il nous revient de défendre les droits de nos ressortissants. Plus de 10 000 Français seraient concernés, souvent nés sur le sol américain pendant l’expatriation de leurs parents, mais n’ayant conservé aucune attache dans ce pays, certains ne connaissant même pas leur situation.

Nous sommes très nombreux à avoir reçu des témoignages décrivant leur situation ubuesque. Il faut absolument que l’État français agisse pour que ces ressortissants puissent renoncer à leur nationalité américaine. Pour cela, il faut négocier une procédure dérogatoire, simple et gratuite.

Aujourd’hui, renoncer à la nationalité américaine coûte, cela a été dit, très cher : il faut régulariser sa situation fiscale sur cinq ans, payer une taxe importante correspondant à la clôture des frais de dossier et régler des frais d’avocat élevés du fait de la complexité de la procédure.

Cette démarche porte également atteinte à la vie privée : il faut fournir une multitude de renseignements, notamment sur ses études, ses employeurs, son état civil. Ces exigences sont inacceptables pour des Français n’étant américains que par accident, j’allais dire presque par hasard.

Par ailleurs, nous devons garantir à ces « Américains accidentels » le droit au compte bancaire. Tous nos ressortissants, y compris lorsqu’ils vivent à l’étranger, ont le droit de détenir un compte bancaire en France. Ce principe – je le rappelle – avait été inscrit dans la loi à la suite de l’adoption de l’un de mes amendements en 2011.

Il est anormal que des banques françaises, par peur des autorités américaines ou par volonté d’éviter les complications engendrées par la loi FATCA, puissent décider de fermer un compte en banque uniquement sur des « indices d’américanité ». La liberté contractuelle ne doit pas aller à l’encontre des droits humains les plus basiques. En effet, sans compte en banque, comment vivre et opérer aujourd’hui ?

Ensuite se pose la question de la réciprocité, aujourd’hui largement insuffisante, de nos accords fiscaux. C’est problématique non seulement pour l’accord du 14 novembre 2013, mais aussi pour notre convention fiscale bilatérale.

Une convention fiscale permet, en principe, d’éviter les cas de double imposition : un impôt réglé dans un pays étranger est déclaré dans le pays de résidence où il permet de bénéficier d’une déduction. Avec les États-Unis, la base de taxation a évolué de manière très différente. Certaines cotisations privées pour la retraite ou la vente de la résidence principale, déductibles en France, sont imposables aux États-Unis. De même, la CSG française n’est pas considérée comme un impôt par les États-Unis et n’est donc pas déductible dans ce pays.

Ainsi, s’agissant de la convention fiscale, l’enjeu dépasse de loin les seuls « Américains accidentels », mais concerne tous nos compatriotes établis aux États-Unis.

Une action diplomatique résolue auprès de nos partenaires américains était plus qu’urgente. Je remercie mon collègue Antoine Lefèvre de son action à l’occasion de la visite d’État d’Emmanuel Macron aux États-Unis.

Je remercie également très vivement ma collègue Jacky Deromedi d’avoir été à l’initiative de cette proposition de résolution, ainsi que nos collègues députés, qui se sont également saisis de ce sujet par une proposition de résolution. Je leur souhaite un plein succès, puisque Marc Le Fur et Laurent Saint-Martin se sont vus confier une mission dont nous attendons avec impatience les résultats. En effet, ce sujet, je le répète, est d’une grande importance et d’une grande urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

Mai 15 2018

« Américains accidentels » concernés par le FATCA

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr17-064.html

Mai 14 2018

Réunion « Français de l’étranger » avec le Défenseur des Droits

Le Défenseur des Droits Jacques Toubon et son adjointe en charge des Français de l’étranger Brigitte Bonnaud, diplomate, ancienne inspectrice des affaires étrangères, ont reçu les parlementaires des Français de l’étranger qui le souhaitaient (nous étions 5 sénateurs – Hélène Conway-Mouret, Richard Yung, Jean-Yves Leconte, Ronan Le Gleut et moi-même…et aucun député) pour faire le point sur leur action et les dossiers en cours pour les Français de l’étranger.

L’existence d’un(e) Délégué(e) en charge des Français de l’étranger, essentielle pour lutter contre les discriminations dont peuvent être victimes les Français établis hors de France du fait de leur éloignement été longue et difficile à obtenir. Dès 1998, j’avais suggéré à Bernard Stasi, alors Médiateur de la République, la mise en place d’un service et d’un interlocuteur spécifique pour les Français de l’étranger. Cette demande, relayée par le CSFE, n’avait pu aboutir qu’en…. 2009.

Au moment de la réforme fusionnant plusieurs autorités administratives, dont le médiateur, au sein du Défenseur des Droits en 2011, j’avais souligné dans le débat parlementaire la nécessité que ce point de contact privilégié des Français de l’étranger puisse être conservé et avais déposé plusieurs amendements pour une meilleure prise en compte des Français de l’étranger, comme par exemple la possibilité de saisine via des élus de l’AFE (puisqu’alors la saisine était réservée alors aux seuls parlementaires) ou encore un meilleur accompagnement des parents français lors des cas de déplacements illicites d’enfants (amendement adopté). Ce n’est qu’en 2016, après plusieurs relances auprès du Quai d’Orsay et du Premier Ministre – l’obstacle étant – me disait-on alors, d’ordre budgétaire, qu’un poste de délégué en charge des Français de l’étranger fut enfin officiellement rétabli.

Avec Dominique Baudis, alors Défenseur des Droits, et son adjointe en charge de la défense des enfants Marie Derain

Je dois remercier cependant saluer l’action de Jacques Toubon et ses prédécesseurs, le médiateur Jean-Paul Delevoye et le Défenseur des droits Dominique Baudis, qui avaient toujours pris sur eux de m’apporter l’aide de leurs services sur des dossiers particulièrement difficiles.

Notre réunion a permis de faire le point sur de multiples dossiers, dont certains que je porte depuis des années, comme l’effectivité du droit des Français de l’étranger à un compte bancaire en France ou les conflits en matière d’autorité parentale suite à un divorce binational, et plus généralement sur les discriminations dont les Français de l’Etranger sont souvent victimes du fait des lenteurs pénalisantes d’une bureaucratie ignorante des spécificités de leur situation (enseignement, fiscalité, certificats de vie, recrutés locaux ….). Jacques Toubon, s’est engagé à initier des démarches auprès des ministères et administrations concernés pour nous aider à faire avancer leur cause et à refaire le point avec les parlementaires des Français de l’étranger à intervalles réguliers.

→ Consulter ma note de 2016 sur le Défenseur des Droits et les Français de l’étranger

Mai 12 2018

Finlande (10-12 mai 2018)

A la suite de mon déplacement en Norvège pour l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, j’ai tenu à me rendre à Helsinki pour faire le point sur notre relation bilatérale, la situation de la communauté française (environ 2 000 expatriés, principalement concentrés à Helsinki) et de mieux appréhender les clés de la réussite du modèle éducatif finlandais, en particulier en matière d’utilisation des technologies numériques pour l’apprentissage des langues étrangères – sujet sur lequel je réalise actuellement un rapport pour l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie.

Avec le Premier Conseiller de l’Ambassade, Antoine Gosset, j’ai pu constater que les relations franco-finlandaises demeurent solides, particulièrement en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Nous avons réouvert le poste d’attaché de défense à Helsinki, fermé depuis quelques années et avons ensemble contribué à une prise de conscience au sein de l’Union européenne de la nécessité de renforcer nos outils et notre coopération en matière de sécurité et Défense.

Les relations économiques sont, quant à elles, modestes mais se développent. Les exportations françaises vers la Finlande ont augmenté de 4% en 2016 (2 milliards d’euros), tandis que les importations de produits finlandais croissaient de 3%. Renforcer les liens économiques et commerciaux entre nos deux Etats permettrait à la France d’améliorer ses positions en Scandinavie, une région absolument essentielle.

La coopération culturelle, scientifique et technique est de très bon niveau. La France est aujourd’hui le 5ème partenaire scientifique de la Finlande, avec des coopérations particulièrement intéressantes dans le domaine énergétique, biotechnologique ou encore dans la robotique. Avec plus de 21 000 apprenants dans le système éducatif finlandais (pour environ 563 000 élèves au total), la langue française est la 3ème langue étrangère étudiée dans le pays, après l’anglais et l’allemand. Si l’enseignement bilingue francophone en Union Européenne tend à se développer au lycée, la Finlande fait exception avec des filières bilingues francophones renforcées dès la maternelle et le primaire.

Le rayonnement culturel de notre pays passe notamment par l’école française Jules Verne – que j’avais soutenue avec ma réserve parlementaire et dont j’avais eu la chance d’inaugurer les nouveaux locaux en 2011. Olivier Gandit, Président du comité de gestion de l’école m’a présenté un tableau très satisfaisant du développement de cet établissement, avec le soutien des autorités finlandaises et grâce à la très forte implication des parents dans sa gestion. Son attractivité ne cesse de croître et il faudra probablement trouver de nouveaux locaux d’ici un an ou deux ….

L’autre fer de lance de la francophonie en Finlande est constitué par les filières bilingues au sein du système scolaire finlandais dans trois villes importantes : Helskinki, Tampere et Turku. Titulaires du label FrancEducation, ces établissements sont soutenus à la fois par l’État finlandais, l’État français (6 postes d’ETI jusqu’à l’automne 2017), l’Ambassade de France et l’Institut français de Finlande. En 2017-2018 1 229 élèves suivent un cursus bilingue francophone, (soit 67 de plus qu’en 2016-2017).

Au lycée Franco-finlandais d’Helsinki, initialement créé comme petite école privée et devenu école d’État en 1977 suite à un accord bilatéral franco-finlandais, 860 élèves évoluent dans un environnement biculturel. Guidée par le proviseur Kari Kivinen, ancien responsable des écoles européennes,  j’ai pu y observer les atouts du système éducatif finlandais, mais aussi percevoir l’impact de l’apparent désengagement des autorités françaises. Cet établissement permet à ses élèves d’acquérir un excellent niveau de langue et de culture française tout en suivant le cursus finlandais. Ici, l’apprentissage des langues se fait dès le plus jeune âge à l’aide de moyens ludiques tel que des chants, le sport en français au jardin d’enfants, la diffusion de films non doublés, qui permettent à l’enfant de découvrir un nouvel environnement linguistique sans y associer de charge de travail particulière. Autre aspect particulièrement inspirant du système éducatif finlandais : la pédagogie inclusive, la relation de confiance et de respect caractérisant les relations entre élèves et enseignants et l’importance accordée aux ateliers manuels et artistiques pour favoriser le développement personnel des jeunes, leurs compétences relationnelles, leur autonomie, leur sens des responsabilités et leur prise d’initiatives. Ce magnifique projet est financé à hauteur de 6,5 millions d’euros par la Finlande, avec un engagement financier français très limité – le salaire du proviseur-adjoint et celui de deux des douze professeurs venant de France. Les errements administratifs de notre pays (les enseignants français ne prenant leur fonction qu’après Noël et non dès la rentrée de septembre) et les réductions budgétaires (avec des suppressions d’ETI) pourraient bien mettre en péril cette coopération aux résultats pourtant exemplaires. Exemple concret d’une aberration qui pourrait coûter cher à l’établissement : l’engagement financier actuel de la France ne permet de couvrir que l’année civile en cours et prendra fin au 31 décembre 2018… deux enseignants recrutés en janvier 2018 pourraient ainsi être amenés à abandonner leurs élèves en plein milieu de l’année scolaire 2018/2019 !

Au ministère de l’Éducation finlandais (Opetushallitus), j’ai pu échanger avec Paula Mattila, qui y dirige le département d’enseignement des langues étrangères, puis, à l’Institut français, avec Sari Hopeakoski, spécialiste d’enseignement digital des langues étrangères.

Nous avons évoqué l’enseignement du français en Finlande, mais également l’apprentissage des langues étrangères en France… qui aurait bien besoin d’être modernisé, notamment en recourant de manière plus fréquente et surtout plus pertinente aux outils numériques. Les technologies peuvent d’une part permettre à des élèves d’apprendre en ligne une langue non proposée par leur établissement scolaire et d’autre part fournir un support considérable pour renforcer l’enseignement reçu en classe.

J’ai également eu la chance d’échanger à ce sujet avec Claude Anttila, conseillère consulaire de Finlande et des pays Baltes, investie depuis de nombreuses années pour la promotion de la culture française. Engagée au service de nos compatriotes, son action se porte tout particulièrement sur le renforcement de la francophonie notamment par le biais de l’enseignement numérique des langues. Véritable pionnière dans ce domaine, elle a participé à la création des classes numériques pour l’enseignement du français à des élèves de primaire, de collège et de lycée dépourvus d’enseignant de français. Elle a également créé – avec le soutien de l’AMOPA, l’association des médaillés de l’ordre des Palmes académiques, des sites Internet très professionnels pour encourager l’usage du français et donner des outils utiles aux enseignants.

Enfin, j’ai eu la joie de retrouver l’ancienne Secrétaire d’État Jeannette Bougrab, qui dirige aujourd’hui le service d’action culturelle à l’Ambassade de France en Finlande. L’Institut français de Finlande, fondé en 1968, est également placé sous sa responsabilité. Sous sa houlette, il a pu être rapatrié de l’usine désaffectée où il était jusqu’alors implanté vers le centre-ville d’Helsinki et multiplie les succès, parvenant même à générer des bénéfices.

En quittant ce pays, je me sens à la fois admirative envers la richesse des initiatives et coopérations qui m’ont été présentées et inquiètes de l’apparent manque de soutien – voire désengagement – de la France. Il importe que notre gouvernement tienne ses engagements budgétaires sur l’enseignement français, mais aussi marque sa volonté de renforcer les liens, par exemple par une visite prochaine du Président Macron… la dernière visite en France du Président de la République finlandais, Sauli Niinistö, remontant à 2013.

Mai 10 2018

Norvège (6-10 mai 2018)

Retour en Norvège dans le cadre de l’Assemblée Parlementaire de l’OTAN pour continuer notre travail sur les enjeux sécuritaires du Grand Nord, région si essentielle à l’équilibre de l’Europe.

 

La France entretient de solides relations avec la Norvège, essentiellement dans les domaines de l’énergie et du développement durable. La Norvège est, en effet, le premier fournisseur de gaz de la France et l’un de nos principaux fournisseurs en pétrole. Nos relations économiques sont donc étroites et je suis heureuse que des fleurons de l’industrie française comme Total (deuxième producteur d’hydrocarbures en Norvège) ou GDF Suez (deuxième acheteur de gaz norvégien), mais également un grand nombre d’entreprises françaises (197 au dernier recensement du MAE) soient si bien implantés dans ce beau pays.

Mais la coopération ne se fait pas uniquement sur le plan économique, et la présence française en Norvège tient également beaucoup à l’excellence du réseau de coopération incarné par les quatre établissements que sont l’Institut français de Norvège à Oslo, son antenne à Stavanger, le lycée français René Cassin d’Oslo et le lycée français de Stavanger. Leurs équipes, compétentes et dynamiques portent haut l’image de la France. Les équipes consulaires s’acquittent de leur tâche avec de belles réussites puisque notre langue est la 3e la plus enseignée en LV2, derrière l’espagnol et l’allemand et que, depuis 2010, des sections norvégiennes existent dans trois lycées français, assurant une rapide mise en contact des jeunes de nos deux pays.

Avant d’attaquer les réunions OTAN, j’ai eu le grand plaisir de revoir, dès mon arrivée, nos deux excellents Conseillers consulaires de Norvège, Claire Ménard et Gérard Pignatel pour faire un point sur les relations Franco-norvégiennes et les attentes de nos 5000 compatriotes installés dans ce pays accueillant. Une soirée chaleureuse et studieuse dans le magnifique écrin du Grand Café construit en 1874 et où logent traditionnellement les lauréats du Prix Nobel de la Paix.

 

 

Le lendemain, lundi 7 mai, journée entière au Stortinget, le Parlement Norvégien, où j’ai présidé un séminaire passionnant de la commission que j’ai l’honneur de présider à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN. Comme toujours, nous avons bénéficié d’interlocuteurs de très haut niveau dont le ministre de la défense Frank Bakke Jense, un ancien collègue et ami de l’AP-OTAN, le Général Morten Haga Lunde (ci-contre), directeur des services de renseignement norvégiens, le chef d’état-major Roy Hunstock et les meilleurs autres spécialistes du pays en matière de cyberdéfense et de lutte contre le terrorisme.

 

Membre fondateur de l’OTAN, très engagée dans les instances multilatérales (7eme contributeur volontaire à l’ONU et le premier par habitant) la Norvège est très attachée à l’Alliance atlantique qu’elle considère comme le meilleur garant de la Sécurité, dans un contexte de tensions croissantes avec la Russie, sur l’Arctique, en prolongement de la crise ukrainienne et des activités de renseignement et d’influence russes. En 2014 elle a signé avec le Royaume-Uni, le Danemark et les trois Etats baltes une lettre d’intention en vue de la création d’une force expéditionnaire commune qui sera opérationnelle cette année et a décidé après le Brexit, de renforcer la coopération militaire avec le Royaume-Uni en matière de surveillance maritime. Les deux pays vont moderniser leurs capacités et la Norvège remplacera en particulier ses PC3 Orion. Elle souhaite également renforcer la coopération internationale de sécurité, notamment en matière de gestion civile et militaire des crises, du Contrôle des frontières extérieures, de police et de renseignement, d’intégration et de lutte contre la radicalisation, notamment par l’assistance humanitaire, l’aide au développement et l’assistance militaire dans les pays fragilisés aux marges méridionales de l’Europe.

 

La Norvège se donne les moyens de ses ambitions et consacre plus d’1,5% de son PIB à la Défense. Elle a ainsi bien intégré les enjeux liés au renouvellement des matériels militaires puisque ses efforts budgétaires servent, pour une importante part, au renforcement de sa capacité opérationnelle et à la dotation de nouvelles capacités de défense aérienne, via notamment l’achat de F-35 en remplacement des F-16, de nouveaux avions de patrouille maritime et d’un nouveau navire de ravitaillement sont considérables et en nette augmentation (+7% en 2017!) et, à titre d’exemple, 97 millions d’Euros y sont investis annuellement en Recherche et développement militaire. Il y a en effet dans ce pays une inquiétude profonde quant à la dégradation sécuritaire de la Région ces dernières années et la conviction que l’Ouest risque de perdre son avancée technologique face aux ambitions affirmées de nouveaux acteurs comme la Chine. Son pari industriel lui réussit aussi puisque la Norvège a en moins de dix ans plus que doublé ses revenus commerciaux dans le domaine et exporte aujourd’hui beaucoup de sa haute technologie de missiles vers les Etats-Unis et d’autres pays de l’OTAN et lancera le tout premier cargo autonome – avec applications militaires postérieures évidentes avant la fin 2018.

 

Beaucoup d’enseignements donc et qui seront précieux dans le cadre de l’examen du projet de Loi de Programmation Militaire à mon retour au Sénat. Comme je ne cesse de le souligner moi-même, la coopération en matière de renseignement est essentielle et notre sécurité collective est affaiblie par la rétention d’informations de certains pays jaloux de leurs prérogatives. Il nous faut donc développer des instruments de coopération plus efficaces.

 

Le soir-même nous partons pour la ville de Bodø, petite ville à 200 kilomètres au nord du Cercle Arctique où se trouve installé le quartier général des Forces de défense norvégiennes, quatre étages de bureaux et salles de réunion creusés à même la montagne pour une sécurité maximale au temps pas si lointain de la guerre froide.

 

Le 8 mai, mes collègues parlementaires et moi-même avons passé la majeure partie d’une journée intense au contact de la remarquable armée norvégienne. Modèle d’efficacité malgré son petit nombre de membres (moins de 15 700 personnes, mais déjà un très gros effort en rapport avec la taille du pays – 5millions d’habitants), l’armée norvégienne ne cesse de développer ses capacités -notamment en interoperabilité à l’international au sein de l’OTAN et/ou en solidarité avec une présence en Afghanistan de ses Forces spéciales depuis 2007 ainsi qu’en Irak et au Mali. La Défense norvégienne s’apprête d’ailleurs à accueillir sur son sol une opération d’une envergure exceptionnelle « Trident Juncture 2018 », exercice qui réunira plusieurs dizaines de milliers de soldats en provenance de 28 États -dont par exemple la Jordanie- ce qui mobilise évidemment beaucoup de ses ressources aujourd’hui.

J’ai également pu mesurer ce grand engagement des norvégiens pour leur défense en observant le fonctionnement du centre de surveillance maritime et aérien et je dois dire avoir été particulièrement impressionnée par l’esprit de civisme et le professionnalisme des jeunes gens choisis pour soutenir l’action des militaires norvégiens pendant une période de dix mois, avec des journées de 13 heures par jour et 14 jours d’affilée … Le tout sans émettre la moindre plainte et avec au contraire la fierté d’accomplir un travail dans l’intérêt du pays… Alors que nous sommes en plein débat sur le Service National Universel, voilà un bien bel exemple d’une jeunesse impliquée dans les affaires de son pays ! Bien plus qu’un service militaire au rabais, c’est vers la transmission des valeurs aux plus jeunes que nous devons tendre si nous voulons réellement stimuler le sentiment national.

 

Le lendemain, mercredi 9 mai, nous achevons notre mission sur la base militaire aérienne d’Evenes après une journée passée en mer pour des séminaires consacrés à la sécurité en mer et à l’environnement. J’y ai animé un débat avec Rolf Rødven, Secrétaire général exécutif du Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique (PSEA) du Conseil de l’Arctique, l’instance intergouvernementale réunissant les huit pays circumpolaires, sur le réchauffement climatique et ses conséquences sur les ressources et les écosystèmes partout dans le monde, notamment en matière de défense et sécurité.
Jamais je n’aurais cru possible de tenir sous ces latitudes une réunion de ce type en plein air et avec aussi peu de neige sur les falaises dominant les fjords ….
C’est véritablement un avertissement pour nous tous. Les températures moyennes dans la région croissent deux fois plus vite qu’ailleurs, avec une projection alarmante de 4*C voire 6*C ces 30 prochaines années. La fonte du pergélisol (permafrost) qui stocke environ 50% du carbone du monde pourrait, en relâchant d’énormes volumes de méthane, avoir des conséquences dévastatrices.
Les experts norvégiens sont par contre persuadés que si nous appliquons totalement l’Accord de Paris en réduisant très sérieusement les émissions mondiales de gaz à effet de serre, la communauté internationale arrivera à stabiliser les températures de l’Arctique d’ici la seconde moitié du XXIème siècle … Nous avons une responsabilité envers les prochaines générations et le combat contre le réchauffement climatique doit être une priorité pour nos pays. J’ai d’ailleurs suggéré à mes collègues des 15 pays représentés que nous ayons tous dans nos parlements respectifs une stratégie d’évaluation de chaque projet ou proposition de loi en termes d’environnement, mais aussi une veille relative à tout ce qui pouvait être fait dans d’autres parlements sur le sujet et qui pourrait inspirer des initiatives législatives et une collaboration permettant d’améliorer les dispositifs déjà en place

 

Alors que mes collègues parlementaires retournent dans leur pays respectif, je préfère profiter des très longues journées d’au-delà du cercle polaire arctique pour faire un pèlerinage très personnel sur les lieux de la Bataille de Narvik. Quelle émotion, en ce jour suivant la date commémorative de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, de se rendre sur le lieu de cette bataille si symbolique qui fut la toute première gagnée par les Forces Alliées en mai 1940 et reste un véritable modèle de coopération militaire internationale puisque sur le front norvégien, ce sont des troupes françaises, britanniques, polonaises et norvégiennes qui se sont alliées pour combattre les troupes allemandes supérieures en nombre et en équipement.

Je tiens également à remercier Tor Ragnar Akselsen responsable du Souvenir français à Narvik et le Colonel (er) Jacques Chauffour, Consul honoraire pour leur action au quotidien dans ce coin du bout du monde où ils œuvrent au quotidien pour faciliter la présence française et entretiennent l’indispensable travail de mémoire. Grâce à eux, j’ai pu déposer des gerbes tant sur la stèle érigée à la mémoire de nos 121 héroïques soldats français morts pour assurer la victoire des Forces Alliées contre le nazisme que me recueillir sur leurs tombes. La bravoure de ces soldats français, légionnaires et chasseurs alpins est un exemple de dévouement à la patrie qui mérite d’être mieux connue.

La bataille de Narvik est un véritable modèle de coopération militaire internationale puisque sur le front norvégien, ce sont des troupes françaises, britanniques, polonaises et norvégiennes qui se sont alliées pour combattre les troupes allemandes supérieures en nombre et en équipement.
Mais pourquoi une bataille à Narvik, aux confins des fjords, au début du second conflit mondial ? Dès les premiers jours d’avril 1940, l’Allemagne nazie avait envahi la Norvège afin de sécuriser le transport du fer suédois extrait de la mine de Kiruna (plus grande mine à ciel ouvert et souterraine de minerai de fer du monde). Le minerai transitait alors via chemin de fer jusqu’au port norvégien de Narvik, qui présentait le double avantage stratégique d’offrir un accès direct à la mer de Norvège et qui était le seul port praticable en hiver puisque les autres ports du nord de la Baltique étaient obstrués par les glaces. Or, en 1940, 50% des importations de fer de l’Allemagne, matière première indispensable pour la poursuite de la guerre, provenaient de Narvik.

Face à ces importants enjeux, un corps expéditionnaire de 35 000 hommes comprenant la Brigade de Haute Montagne, tout nouvellement formé et confié au commandement du Général Béthouart est envoyé sur le front norvégien. Grâce aux habiles manœuvres tactiques du général français, les troupes alliées prennent Bjervik, ville proche de Narvik grâce à un débarquement massif. La 13e demi-brigade de Légion Étrangère parvient à gagner les hauteurs et effectue une jonction avec les chasseurs alpins et les troupes norvégiennes. Les troupes alliées peuvent alors prendre Narvik et repousser les soldats allemands du Général Dietl jusqu’à la frontière suédoise.

 

Si cette bataille n’eut pas un rôle tactique majeur pour l’issue de la seconde guerre mondiale, elle présenta néanmoins, outre son impact positif sur le moral des troupes, un double avantage :

  • D’une part, elle fut un magnifique exemple des capacités des armées européennes, et notamment françaises et britanniques à travailler de concert et est encore aujourd’hui citée comme modèle de coopération militaire
  • D’autre part, de nombreux navires allemands furent neutralisés ou détruits durant cette campagne, ce qui, aux dires de beaucoup d’experts, empêcha Hitler durant toute la durée du conflit de mettre sur pied un débarquement massif en Angleterre tel qu’il l’avait prévu.

 

Mai 09 2018

Joyeuse fête de l’Europe !

Chaque année, le 9 mai, date anniversaire de la « déclaration Schuman », la Journée de l’Europe célèbre la paix et l’unité en Europe. Cette année, l’accent est mis sur l’« Année européenne du patrimoine culturel », thème qui m’est particulièrement cher en tant que représentante du Sénat à la Commission nationale française de l’UNESCO, ancien rapporteur de sa Convention sur le patrimoine immatériel et fondatrice du Prix du Rayonnement français.

« La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent » soulignait le 9 mai 1950 Robert Schuman, alors ministre des affaires étrangères français. En ces temps de Brexit et d’euroscepticisme, n’oublions pas les raisons qui ont conduit à construire l’Union européenne : elles n’ont rien perdu de leur pertinence. Tisser des liens indéfectibles entre les peuples grâce à des échanges concrets, tant économiques que culturels, est autant indispensable aujourd’hui que cela ne l’était à la sortie de la seconde guerre mondiale.

La citoyenneté européenne est lente a bâtir. Mais elle peut d’ores et déjà prendre appui sur les millions d’Européens vivant, étudiant et travaillant dans un autre État membre de l’UE. Les expatriés et travailleurs transfrontaliers construisent au quotidien un destin partagé. Hors d’Europe aussi, nos ressortissants jouent pour « l’équipe Europe », sur des coopérations économiques concrètes, pour organiser des festivals en commun ou pour développer des services partagés comme la protection consulaire.

Il manque encore à traduire ces avancées sur le plan institutionnel en instituant une véritable représentation des expatriés au Parlement européen. Une telle démarche s’inscrirait parfaitement dans la vision des Pères de l’Europe et je milite depuis des années en ce sens. Je l’ai encore rappelé récemment par une question écrite et, il y a quelques semaines, à la tribune du Sénat.

Découvrez les manifestations organisées dans votre pays : https://europa.eu/european-union/about-eu/symbols/europe-day_fr

Mai 06 2018

Dans le JDD :

Dans le Journal du Dimanche d’aujourd’hui, ma réaction à un an de politique étrangère d’Emmanuel Macron :

Mai 06 2018

Macron: terrorisme et politico-militaire pour « remaçonner » la stratégie franco-américaine

Article de L’Obs du 6 mai 2017 :

La lutte contre le terrorisme et les thématiques politico-militaires sont ce qui permettront de « remaçonner » la relation avec les Etats-Unis, estime Emmanuel Macron dans un entretien au Journal du Dimanche évoquant notamment son activité diplomatique lors des frappes du mois dernier en Syrie

« Sur l’axe transatlantique, il faut remaçonner la stratégie avec Donald Trump en se focalisant sur le politico-militaire et la lutte contre le terrorisme », souligne le chef de l’Etat dans ce long entretien consacré à la politique étrangère, assurant qu’il « parle au président américain en sachant parfaitement que sa politique étrangère répond toujours à ses objectifs de politique intérieure », avec un « prisme anti-iranien ».

Estimant que Donald Trump n’a décidé de lancer des frappes en Syrie qu’après lui avoir parlé, M. Macron précise: « il n’avait pas décidé le 8 avril de sa réaction aux attaques chimiques et je lui dis que Bachar al-Assad nous teste dans cette nouvelle séquence, qu’il n’est pas question de faire la guerre à la Syrie mais que compte tenu des preuves dont nous disposons notre frappe conjointe sur des seuls sites chimiques est décisive pour notre crédibilité et pour contenir le permis de nuisance du régime ».

Quant à l’accord sur le nucléaire iranien, dont Donald Trump pourrait retirer les Etats-Unis dans une semaine, « j’essaie de lui rappeler la logique interne des différents dossiers liés à l’Iran. Aussi pour le ramener sur la Syrie », ajoute le chef de l’Etat, qui s’est montré pessimiste sur sa capacité à convaincre son homologue américain sur le sujet lors de sa récente visite à Washington.

Estimant par ailleurs que les frappes anglo-franco-américaines sur la Syrie ont été « une opération complexe très réussie, remarquablement coordonnée à trois alliés », M. Macron estime également que le « dialogue de vérité (franco-russe) sur la Syrie a aidé à faire passer des messages au régime syrien, tout en prenant en compte notre démarche sur la solution politique pour la Syrie de demain ».

Vladimir « Poutine a compris que je ne suis pas un néo-conservateur, je ne suis pas interventionniste, je ne veux pas faire la guerre au régime syrien (…) », estime M. Macron, en évoquant une conversation téléphonique « calme » avec son homologue russe le jour des frappes: « je crois qu’il a compris notre détermination et que je voulais éviter une escalade. Je lui ai rappelé ce qu’il m’avait dit en mai 2017, à Versailles, lorsque j’avais fixé les conditions d’une ligne rouge sur le chimique, que lui-même avait reconnue comme nécessaire », poursuit M. Macron.

Selon lui, « le fait que la Russie s’est retrouvée en minorité sur le vote de sa propre résolution à l’ONU après ces frappes a montré qu’elles bénéficiaient d’un cadre de légitimité ».

Le JDD publie parallèlement à cette analyse d’Emmanuel Macron sur sa propre politique étrangère des tribunes très critiques de la députée LFI Clémentine Autain et de la sénatrice LR Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Autain accuse le chef de l’Etat d’avoir « rendu notre diplomatie plus dépendante que jamais », en particulier envers l’Otan et les Etats-Unis, ce qu’elle qualifie d' »atlantisme décomplexé », et lui reproche d’avoir reçu « en grande pompe le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane » en dépit de la guerre au Yémen, ce qu’elle qualifie de « diplomatie du Rafale ».

Elle stigmatise également « le cynisme de ce président qui sacrifie ses alliés kurdes dans la lutte contre Daech pour préserver des accords indignes avec la Turquie et tenir hors de nos frontières les réfugiés syriens ».

Quant à Mme Garriaud-Maylam, tout en prenant acte de « quelques coups politiques habiles, comme l’exfiltration du Premier ministre libanais Saad Hariri de Ryad », elle stigmatise « quelques actions trop précipitées, comme les frappes en Syrie. Si celles-ci étaient justifiées moralement par le refus des armes chimiques, elles étaient trop hâtives pour ne pas donner un sentiment de malaise », selon elle.